A la tribune des Nations Unies, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a accusé samedi les États-Unis et le « collectif occidental » de générer des conflits et de tout faire « pour empêcher la formation d’un ordre mondial véritablement multipolaire et juste ».
Les contours de l’avenir se dessinent dans une lutte entre une majorité d’États qui prônent la diversité civilisationnelle et une répartition plus équitable et une poignée d’autres qui « utilisent des méthodes néocoloniales d’assujettissement pour maintenir leur domination », a déclaré le chef de la diplomatie russe lors du débat général de l’Assemblée générale.
Il a accusé Américains et Européens, habitués selon lui, à mépriser le reste du monde, de multiplier les promesses et de contracter des obligations contraignantes, avant de s’y soustraire. L’Occident est un véritable « empire du mensonge », a-t-il dit, reprenant une expression du Président russe Vladimir Poutine.
Après avoir accusé les États-Unis et le « Collectif occidental qui lui est subordonné » d’avoir cherché l’affrontement avec l’URSS puis, après la fin de la Guerre froide, d’avoir trahi les assurances données à la Russie en matière d’architecture de sécurité européenne, M. Lavrov a rappelé qu’en 2021 les propositions russes visant à des accords sur des garanties mutuelles de sécurité en Europe sans modifier le statut de pays non aligné de l’Ukraine ont été rejetées avec arrogance.
Expansionnisme de l’OTAN
Il a accusé l’Occident de continuer à militariser systématiquement le régime russophobe de Kiev, porté au pouvoir à la suite d’un coup d’État sanglant et utilisé pour préparer le déclenchement d’une guerre hybride contre la Russie.
Disant avoir l’impression persistante que cet « Occident collectif » a décidé de donner à la doctrine Monroe une projection mondiale, M. Lavrov a dénoncé comme une nouvelle manifestation dangereuse de l’expansionnisme de l’OTAN la tentative d’étendre la zone de responsabilité du bloc à l’ensemble de l’hémisphère oriental sous le slogan de « l’indivisibilité de la sécurité de la région euro-atlantique et indopacifique » et par la création d’une série « d’alliances militaro-politiques miniatures » ouvertement focalisées contre son pays et la Chine, et menaçant l’architecture régionale inclusive développée autour de l’Associatin des nations d’Asie du Sud-Est (ASEAN).
Les États du monde ne veulent plus vivre sous les ordres mais échanger sur un pied d’égalité, a affirmé M. Lavrov, qui a dénoncé une division artificielle de l’humanité en blocs hostiles du fait des conflits générés par les États-Unis et le « collectif occidental », laquelle entrave la réalisation d’objectifs communs. « Ils font tout pour empêcher la formation d’un ordre mondial véritablement multipolaire et juste », a-t-il asséné.
Pourtant, la logique du processus historique est inexorable, a déclaré M. Lavrov, qui a mis en avant en particulier le rôle des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) et d’autres associations qui offrent aux pays du Sud des opportunités de développement commun et défendent la place qui leur revient dans l’architecture multipolaire objectivement émergente.
Démocratisation des affaires mondiales
« Pour la première fois peut-être depuis la création de l’ONU en 1945, une véritable démocratisation des affaires mondiales existe », a estimé le ministre, y voyant une source d’optimisme pour tous ceux qui croient en la suprématie du droit international et souhaitent la renaissance de l’ONU en tant qu’organe central de coordination de la politique mondiale.
M. Lavrov a accusé l’Occident de continuer à se considérer comme supérieur au reste de l’humanité. Il a dénoncé le recours à des mesures coercitives unilatérales comme une violation flagrante du principe de l’égalité souveraine des États, « pierre angulaire de l’ordre mondial créée après la Seconde Guerre mondiale », exigeant notamment la levée de celles qui frappent Cuba et la Syrie. Il a de nouveau accusé l’OTAN d’avoir détruit l’État libyen, ouvrant les vannes à la propagation du terrorisme dans la région saharo-sahélienne et à des vagues de millions de migrants illégaux en Europe.
M. Lavrov a par ailleurs dénoncé « l’égoïsme de la minorité occidentale », l’illustrant par ses « tentatives obsessionnelles d’ ‘ukrainiser’ l’ordre du jour international » en repoussant au second plan d’autres crises régionales non résolues, notamment au Moyen-Orient, a-t-il affirmé, les Palestiniens attendent depuis plus de soixante-dix ans l’État qui leur est solennellement promis.
M. Lavrov a ensuite comparé et opposé l’engagement non tenu de l’Occident de fournir aux pays en développement 100 milliards de dollars par an pour financer des programmes d’adaptation aux changements climatiques et les 170 milliards de dollars dépensés depuis février 2022 par les États-Unis, l’OTAN et l’Union européenne pour soutenir le « régime raciste de Kiev ».
Réformer la gouvernance mondiale
Le ministre a ensuite souligné l’urgence d’une réforme rapide de l’architecture de gouvernance mondiale existante. Il a ainsi demandé une redistribution des quotas de vote au Fonds monétaire international (FMI) et à la Banque mondiale afin de reconnaître le poids économique et financier réel des pays du Sud, et demandé que le G20 cesse d’être politisé et ait la possibilité de faire ce pour quoi il a été créé : élaborer des mesures généralement acceptables de gestion de l’économie et des finances mondiales.
Il a estimé que l’élargissement du Conseil de sécurité, « de plus en plus demandé » devrait se faire en éliminant la sous-représentation des pays de la majorité mondiale, ajoutant que les nouveaux membres, permanents ou non, devraient jouir de l’autorité à la fois dans leur région et au sein d’organisations mondiales telles que le Mouvement des pays non alignés, le Groupe des 77 ou l’Organisation de la coopération islamique.
Il a aussi demandé des « méthodes plus équitables » pour former le Secrétariat de l’ONU, affirmant que les critères en vigueur ne reflètent pas le poids réel des États dans les affaires mondiales et assurent artificiellement une « domination prohibitive » des citoyens des pays de l’OTAN et de l’UE.
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