Bien qu’aucune date de déploiement n’ait encore été annoncée, la police kenyane – davantage connue pour son piètre bilan en matière de droits de l’homme que pour sa capacité à faire face à des gangs lourdement armés – enverra jusqu’à 1 000 hommes pour rétablir l’ordre sur l’île caribéenne. Leur présence vise à rétablir les conditions de sécurité qui permettront l’arrivée de l’aide humanitaire et la tenue d’élections en 2025.
L’effort international, soutenu par les États-Unis et l’ONU, a permis de récolter plus de 120 millions de dollars. Cependant, sans conditions minimales de sécurité sur le terrain, que les Kényans se sont engagés à fournir, rien ne pourra être livré ou mis en œuvre.
Les Kényans sont confrontés à une tâche ardue. Les gangs haïtiens contrôlent actuellement une grande partie du pays, s’étendant à partir de leurs bastions de Port-au-Prince. Les forces de police haïtiennes, fortes de 9 000 hommes pour une population de 11 millions d’habitants, sont débordées à tous points de vue.
Les Kényans entreront dans un État en déliquescence et dans l’une des capitales mondiales du kidnapping, où les gangs sont la seule autorité visible dans de nombreuses régions du pays. L’année dernière, on estime que 3 000 personnes ont été enlevées pour obtenir une rançon. En janvier de cette année, six religieuses et deux de leurs compagnes ont été enlevées dans un bus à Port-au-Prince, ce qui prouve que personne n’est à l’abri.
Bien qu’Haïti ait connu peu de moments de calme depuis son indépendance en 1804, l’assassinat du président Jovenel Moïse en juillet 2021 a déclenché la dernière vague de violence et d’instabilité. Les mercenaires colombiens qui ont perpétré l’assassinat et plusieurs Haïtiens ont été arrêtés et d’autres inculpés, y compris l’épouse du président, qui a été blessée lors de l’attentat. Mais les motivations de l’assassinat restent floues, tout comme les commanditaires.
Quelles qu’en soient les raisons, Haïti n’a plus de représentants élus. Le premier ministre Henry, nommé après l’assassinat du président avec le soutien de la communauté internationale, est considéré comme manquant de légitimité.
Le pays des Caraïbes a été témoin de multiples interventions étrangères. L’île a été envahie et occupée par les États-Unis entre 1915 et 1934. En 1994, Haïti a de nouveau été envahi à la suite d’un coup d’État. En 2004, la Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH) a été déployée et est restée dans le pays jusqu’en 2017. Cette mission a été marquée par des allégations de violations des droits de l’homme commises par des soldats de la paix de l’ONU, qui ont été accusés de crimes sexuels. Les Nations unies ont également reconnu leur rôle dans le déclenchement d’une épidémie de choléra qui a tué des milliers de personnes.
Dès leur arrivée en Haïti, les policiers kenyans risquent de se retrouver dans le collimateur des gangs haïtiens, notamment des deux plus puissantes fédérations criminelles rivales, le Barbecue G9 et le G-Pèp, qui luttent pour s’implanter dans le pays.