Avions-nous eu besoin de ce groupe d’experts au service du Comité du Conseil de Sécurité pour écrire un rapport, comportant des myriades de mots, capable de diagnostiquer les maux dont souffre Haïti ? Il y a belle lurette depuis que, nous Haïtiens, avions interprété les signes et symptômes de la maladie et avions évoqué et diagnostiqué tout ce qui est dit dans ce rapport. Cependant l’ONU a voulu une seconde opinion et …cette consultation révèle que les Haïtiens ne se sont pas trompés…et ils savent ce qui est bon pour eux.
En effet, nous avions pris connaissance du rapport des « experts » de l’ONU, lequel est rédigé par un groupe formé de 4 personnes dont on ne connait ni l’identité ni la nationalité, et qui doit corroborer les sanctions prises par l’ONU contre certains individus haïtiens. Il semble que cette liste a été allongée ou est tout à fait nouvelle depuis la publication du nom d’un chef de gang et a devancé ce rapport. C’est pourquoi, si nous avions saisi ce qui transpire entre les lignes, cette liste attend tout simplement d’être rendue publique avec de nouveaux noms…qui sait. Pour bien comprendre cette « entreprise », il faut lire le fichier dans son intégralité, c’est-à-dire les 41 pages en français, examiner les photos et parcourir les 47 annexes en anglais et français (certaines photos sont en français) et les liens fournis.
Le rapport comporte dans les paragraphes 1 à 11 des informations sur le mandat de l’équipe de l’ONU, leur mission d’établissement des faits, leur méthodologie et leur coopération avec d’autres entités ou sources d’information. Ils ont consulté des haïtiens du secteur public/ gouvernemental, du secteur des affaires et de la société civile, de la police nationale, des instances étrangères et/ou logiciels étrangers : ONU/BINUH /ONUDC, gouvernement des Etats-Unis, du Canada /affaires mondiales, Colombie , Mexique, CARICOM, République Dominicaine, / DIPP/ Seguridad Nacional, UNICEF, le Groupe d’action financière (GAFI ou FATF and FATF en anglais qui dirige l’action mondiale visant à lutter contre le blanchiment d’argent, le financement du terrorisme et de la prolifération), DTM (ou matrice de suivi des déplacements qui rassemble et analyse des données pour diffuser des informations critiques à plusieurs niveaux sur la mobilité, les vulnérabilités et les besoins des populations déplacées et mobiles)par exemple. Enfin les réseaux sociaux, eux aussi, ont été largement utilisés.
Les « experts » ont adressé la situation politique et économique et les conditions de sécurité dans le pays (paragraphes 12-44) et ont conclu qu’il n’y avait pas de gouvernance, pas d’élus (cela a été souligné en plusieurs fois dans le rapport). Ils ont fait remarquer que cet accord du 21 Décembre n’a franchi que deux (2) étapes : HCT (Haut Conseil de Transition) et Cour de Cassation. « Le mandat des anciens sénateurs du pays ayant expiré en janvier 2023, il n’y a plus de responsable démocratiquement élu, d’où la très mauvaise gouvernance (Paragraphes 12, 43 par exemple). Le pays n’a pas organisé d’élections présidentielle, législatives ou municipales depuis 2016 ». De plus, la sécurité s’est détériorée encore plus depuis 2022 (Adoption de la Résolution 2653). Ils n’ont pas cessé de faire ressortir la puissance des gangs qui au début étaient financés par les familles de marchands et les responsables politiques mais qui aujourd’hui deviennent de plus en plus autonomes et contrôlent « 80 % de la zone métropolitaine de Port-au-Prince ». Nous lisons aussi : « Leurs arsenaux sont plus sophistiqués et plus meurtriers et ils acquièrent une puissance de feu supérieure à celle de la police ». Cette dernière « manque cruellement de personnel, est mal équipée et mal formée pour faire face à la complexité de la situation sur le terrain et n ’a pas la capacité de reconquérir les territoires occupés par les gangs ». Le mot « cruellement » n’est pas utilisé à la légère. Le nombre exact des policiers actifs est difficile à évaluer. « Au 30 juin 2023, ils étaient officiellement 14 087 » mais le chiffre doit être approximativement 4000, ce qui constitue un « ratio bien inférieur à 1 agent pour 1 000 habitants, alors que l’ONU suggère un ratio de 2,2 agents pour 1 000 habitants ».
« Le système judiciaire haïtien, délibérément saboté par les gouvernements successifs, souffre depuis longtemps de la politisation et de la corruption endémique », écrivent-ils. Remarquez le choix du mot « délibérément ». Ils ont évoqué la libération des présumés criminels, les enquêtes bloquées, les menaces et les tentatives d’intimidation à l’endroit des juges, la destruction ou vols de dossiers et d’éléments de preuves, les violences sexuelles non poursuivies, la démission d’un ancien Ministre de la Justice placé sous sanctions.
Concernant les sanctions, le groupe confirme « son indépendance par rapport à ces mécanismes nationaux, mais paradoxalement, il s’intéresse à l’impact qu’ils ont sur la situation en Haïti ». Ainsi, ils partagent implicitement avec leurs interlocuteurs l’idée « que les sanctions unilatérales et celles de l’ONU ont eu un certain effet » A cet effet, comment parler de sanctions de l’ONU si on n’avait pas encore la liste des sanctionnés ? Ce serait mettre la charrue avant les bœufs. Les noms qui figurent sur cette liste sont connus depuis longtemps mais l’ONU a toujours pratiqué la politique de l’autruche.
Concernant la situation économique, ils ont rappelé la dilapidation des « fonds publics destinés au développement, comme ceux destinés aux interventions d’urgence et à la reconstruction après le tremblement de terre de 2010 (Fonds pour la reconstruction d’Haïti /CIRH), et du prêt Petrocaribe, montrant ainsi comment un tel détournement de fonds continue d’avoir un impact négatif sur la paix et la sécurité du pays ». Cependant, ils n’ont pas élaboré sur le CIRH. Mais le fait de le souligner peut ne pas être anodin. Rappelons-nous que l’ex-ambassadeur canadien Gilles Rivard avait avancé après le séisme de 2010, soit en 2012 : « Le Canada, comme d’autres pays donateurs, hésite beaucoup à faire ce qu’on appelle de l’appui budgétaire direct (au gouvernement) parce qu’on n’a pas vraiment confiance dans la capacité de pouvoir gérer ça sans que la corruption n’intervienne ».
Ils dénoncent et confirment les liens des conglomérats d’entreprises familiales et des responsables politiques avec les divers gangs, les fraudes fiscales perpétrées par ces familles de marchands comme ils les qualifient (Paragraphes 42-48). « En 2021, compte tenu, notamment, de la mauvaise gestion financière, le Groupe d’action financière a placé le pays sous une surveillance renforcée en raison de son incapacité à respecter les normes de lutte contre le blanchiment d’argent ». A souligner qu’en mai 2023, un décret sur la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme a été adopté.
Une autre information glissée dans le rapport, qui peut ne pas être inoffensive, se retrouve au paragraphe 45. Parlant de gangs, ils ont fait un rapprochement entre François Duvalier et Michel Martelly. Voulaient-ils insinuer une forme de dictature dont l’instrument est la présence des gangs ? Ou aurait-on des anciens duvaliéristes ou des enfants de duvaliéristes sur la liste de ceux qui financent les gangs ?
« Environ 23 grands gangs opèrent dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince (département de l’Ouest), regroupés autour de deux coalitions principales » ( paragraphe 47).Pour l’édification de certaines personnes, ils ont défini le gang et l’ont distingué de la base (baz) : « La baz (base) est un espace local de rassemblement social où les gens peuvent participer à des débats politiques, promouvoir des activités culturelles et des projets de développement, mais aussi organiser des groupes armés dont les activités peuvent aller de la commission d’infractions à la défense du territoire auquel ils appartiennent. Le gang, constitué d’un groupe de personnes se livrant à des activités criminelles et qui ont un territoire à défendre, est l’avatar le plus toxique de la baz… un gang armé se distingue d’un autre groupe criminel en fonction de l’effectif (à partir d’une quinzaine de membres), de l’organisation et du type d’activités illicites ». « Les gangs contrôlent les routes grâce à des pièges dissimulés et sont non seulement lourdement armés et bien entraînés, mais également rompus au maniement des armes et des techniques de combat et savent opérer stratégiquement dans les quartiers. Ils comptent dans leurs rangs d’anciens policiers et militaires ainsi que des personnes déportées des États-Unis » (paragraphe 63). Les gangs ont enlevé et séquestré 2 441 personnes entre janvier 2022 et juin 2023. « Les enlèvements contre rançon, l’extorsion, le vol et le détournement de véhicules de transport de personnes et de véhicules privés de toutes tailles sont une source importante de revenus pour les gangs qui contrôlent les routes nationales ». Le groupe a fait une révélation concernant un prêtre qui a su jouer une part active dans la négociation pour un « engagement en faveur de la paix entre le G9 et G-Pèp (paragraphe 55). L’identité du prêtre est tenue secrète. Donc, l’église peut toujours servir de médiatrice dans les conflits qui bouleversent le pays.
Dans les paragraphes 69 à 80 traitant du financement des gangs et les liens de ces derniers avec les acteurs politiques et économiques, on retrouve les noms de « l’affairiste » Reynold Deeb (paragraphes 71 et 72 ,84 surtout), de Michel Martelly qui a été Président (paragraphes 73-74), de l’ex -deputé Prophane Victor (paragraphe75),de l’ancien Président du Sénat Youri Latortue (paragraphe 76).Les « experts » déclarent détenir des preuves en dehors des sources ou instances qui leur ont fait des « confidences ». Dans les paragraphes parlant de Martelly, ils ont rapporté que l’ancien Président avait des rapports avec un chef de Gang qui se faisait appeler Tet Kalé (paragraphe 74). Lequel des Tet Kalé a précédé l’autre ? Le chef de parti, le parti ou le chef de gang ? Des questions qui suscitent des réflexions.
Toujours en étudiant la dynamique de la criminalité, de l’impunité et pour établir la faiblesse des contrôles aux frontières et la corruption favorisant les activités criminelles, le trafic et détournement d’armes et de munitions, le nom de Deeb est nommé ainsi qu’un nouveau -celui de Romel Bell (paragraphes 85-86). Ils ont rapporté que les familles de marchands « contrôlent les autorités publiques, y compris les douanes » et de ce fait les ports et les terminaux. Dans le département de l’Ouest, il existe deux principaux terminaux de marchandises : « l’un, géré par Caribbean Port Services et situé dans le port de l’Autorité portuaire nationale, appartient à des intérêts privés et traite environ 80 % des marchandises arrivant à Port-au-Prince ; l’autre, le port Lafiteau, appartient à un partenariat public-privé ». Ces terminaux seraient-ils ciblés ? En effet pourquoi les experts n’ont visité que ces ports. Leur mission était-elle de recueillir des preuves à ce niveau-là ? Pourquoi pas le port de Saint-Marc ,par exemple, où une cargaison d’armes avait été saisie. Les ports de l’Ouest, du Nord-Ouest ou du Nord-Est sont -ils plus « contaminés » que les autres ? Ce rapport fait ressortir des petites choses intéressantes, déjà connues certes, mais dont le rappel au Comité du Conseil de Sécurité est nécessaire, et l’une d’elles fait référence aux « pistes clandestines d’atterrissage à Savane Diane et plusieurs points de mouillage et d’amarrage en dehors des points officiels.
Les « experts » soulignent le phénomène Bwa Kale et ses méfaits dont une augmentation des armes en circulation (paragraphe 60) et des cas de meurtre de 479 membres de gangs. Selon nous, le terme meurtre est bien choisi puisque la justice en Haïti est un vain mot et un individu peut décider de s’ériger en « justicier » et… cela ne dérange pas. Mais pourquoi le nombre d’armes a-t-il augmenté ? Est-ce qu’en dehors du fait que les « armes à feu des membres de gang qui ont été lynchés ne soient pas remises à la police » (paragraphe 59), il y aurait une autre cause comme celle retrouvée dans le paragraphe 58 « Les groupes d’autodéfense sont soutenus financièrement par des hommes d’affaires locaux ainsi que par des membres de la diaspora haïtienne pour protéger les quartiers. Des groupes perçoivent même une redevance mensuelle pour assurer la sécurité de résidences privées ». Aura-t-on des grincements de dents et des pleurs au niveau du secteur des affaires lors de la publication de la liste?
D’après ce qui est dit dans le rapport, les « experts « n’ont pas fini de travailler ; le groupe nous a appris qu’il continue de faire des recherches ou d’accomplir sa mission. En effet, le groupe « a été créé en application du paragraphe 21 de la résolution 2653 (2022) pour une période initiale de 13 mois. Il devait présenter au Conseil de sécurité, après concertation avec le Comité, un rapport d’activité le 15 mars 2023 au plus tard, un rapport final le 15 septembre 2023 au plus tard, et lui adresser d’autres rapports périodiques dans l’intervalle.
Le paragraphe 77 nous informe que le Groupe d’experts s’intéresse à plusieurs acteurs économiques et politiques qui ont créé ou financé des gangs, y compris au moyen de fondations, et entend poursuivre ses enquêtes. Donc il y a raison de croire que leur mandat se prolongera. De même, le paragraphe 89 le souligne « Le Groupe d’experts travaille actuellement sur plusieurs affaires de trafic par voie maritime, terrestre et aérienne, dont certaines figurent dans le présent rapport. Il poursuit son enquête sur d’autres, qui feront l’objet d’un rapport en temps utile ». Les « experts » disent dans le paragraphe 123 : « Le Groupe d’experts poursuit son enquête. » Dans plusieurs paragraphes (128, 136,140) ils avancent qu’ils continuent d’examiner certaines situations comme le problème de la traite de personnes et de migrants (paragraphe 128).
Dans le rapport (paragraphes 124-128), le groupe indique qu’il se penche sur la traite de personnes et le trafic de migrants haïtiens pratiqués par des gens en République Dominicaine et en Haïti, surtout à Port de Paix.
D’autres points sensibles dans le rapport sont représentés par la violence sexuelle et fondée sur le genre (paragraphes 129-132), le recrutement d’enfants par les gangs (paragraphes 137-141), l’instrumentalisation de la faim et violations du droit à l’alimentation (paragraphes 142-146), les attaques indiscriminées contre la population de Bel-Air, Cité Soleil entre autres, qui forcent de nombreuses familles à se déplacer(paragraphes 147-154), les obstacles à l’assistance humanitaire( paragraphes 155-157), les attaques contre les organismes des Nations Unies dont les bâtiments de PAM( paragraphes 158-162), les violations par la police notamment leurs affiliations aux gangs, les enlèvement perpétrés par des policiers ou les violations évidentes des droits humains surtout durant le Bwa Kale. Les experts ont relevé entre autres, que les gangs compromettent directement et indirectement la sécurité alimentaire du pays. Leurs activités galvaudent le système de santé. Le siège de la population est la stratégie des gangs et leurs protecteurs. Le fait par les gangs d’intimider les cultivateurs comme l’a fait « un chef du gang situé dans l’Artibonite, en proférant de multiples menaces sur les médias sociaux, avertissant que toute personne retournant dans les champs agricoles serait tuée », a un impact négatif sur la production.
Le rapport confirme ce que les haïtiens ont toujours compris et n’ont pas cessé de dénoncer : Les Etats membres de l’ONU ne donnent pas vraiment d’informations capables de retracer les armes à feu illicites en Haïti. « Le Groupe d’experts a envoyé à trois pays des demandes de traçage concernant 74 armes à feu illicites récemment saisies et faisant l’objet d’une enquête… seul un État Membre avait répondu » (Paragraphe 91). Le nombre d’armes illicites s’élevait à 291 000 en 2018 et est de 600 000 en 2022 (Paragraphe 92). A cela nous répondons : Membres de l’ONU , que l’assistance soit sans hypocrisie. Ayez le mal en horreur, attachez-vous au bien. « La grande majorité des armes à feu sont détenues de manière illégale. Comme dans d’autres pays des Caraïbes, les armes de poing de 9 mm restent les plus convoitées » (paragraphe 92). « Les gangs utilisent principalement des armes de poing de 9 mm et des fusils semi-automatiques de 5,56 mm ainsi que des fusils semi-automatiques de 7,62 x 39 mm, mais dans une bien moindre mesure » (paragraphe 93). « La majorité des armes à feu et des munitions en circulation dans le pays sont fabriquées ou achetées à l’origine aux États-Unis. Elles arrivent en Haïti directement depuis les États-Unis ou via la République dominicaine. On a constaté également des tendances moins courantes, comme la présence de fusils de type AK retrouvés en Haïti, détournés d’un pays d’Amérique du Sud » (paragraphe 96). « Entre janvier 2020 et juillet 2023, le Bureau des douanes et de la protection des frontières des États-Unis a saisi 15 938 munitions de différents calibres ainsi que 35 carcasses et 59 armes, dont 45 armes de poing, 1 fusil de chasse, 12 fusils et 1 mitrailleuse7(paragraphe 100). La grande majorité des saisies faites par les autorités américaines ont eu lieu à Miami » (paragraphe 101). « Le Groupe « d’experts » a confirmé la présence d’armes à feu de fabrication privée, connues sous le nom « d’armes fantômes » (ghost guns), et a documenté, dans des saisies récentes, plusieurs carcasses manufacturées ou fabriquées par machine à fraiser CNC, utilisées dans l’assemblage de ce type d’armes. (Paragraphe 102). Les affaires concernent souvent du matériel acheté à l’origine aux États-Unis et acheminé vers le marché illicite de la République dominicaine (paragraphe 102). « Le trafic passe par le poste -frontière de Belladère, par lequel la plupart des marchandises officielles en provenance de la République dominicaine entrent en Haïti (paragraphe 103). Non seulement les armes transitent ou viennent de la République Dominicaine mais les experts ont identifié un trafic d’armes, impliquant un échange de drogue de la Jamaïque contre des armes en provenance d’Haïti (paragraphe 105). Les armes de la police sont souvent détournées – par le vol ou la perte (paragraphe 106) ou vendues par les policiers eux-mêmes. « Entre 2012 et 2023, près de 2 500 armes à feu de la police ont été déclarées perdues ou volées » (paragraphe 107).
A souligner qu’il existe 103 sociétés de sécurité privées enregistrées auprès du Ministère de l’intérieur haïtien et de nombreuses autres opèrent sans autorisation car appartenant le plus souvent à des responsables gouvernementaux (Paragraphes 110-112).
Concernant le trafic de drogue le Sud -Est a été identifié comme étant la principale porte d’entrée. En vue d’élucider ce problème, les « experts » ont « effectué des missions d’enquête en Colombie, en République dominicaine et aux États-Unis. Ils ont envoyé des demandes d’information à cinq États Membres, dont deux ont répondu. Ils font état de l’implication d’hommes d’affaires (acteurs économiques) et de responsables politiques. A remarquer que les saisies de stupéfiants ont diminué. Serait-ce à cause de l’existence de multiples routes de la drogue à travers Haïti. Savane Diane est l’un des points où passe la drogue, en dehors de la côte Sud. « Le département colombien de Guajira était un point stratégique pour le transport de cocaïne vers Haïti ». « La drogue arrivait de Guajira sur la côte sud d’Haïti et traversait la frontière dominicaine, par voie terrestre, vers Punta Cana, puis vers Porto Rico. L’utilisation présumée des plaques d’immatriculation de la police et du gouvernement pour transporter de la drogue et des armes compromet la lutte contre les activités illicites » (paragraphes 113-123).
Le groupe a accordé plusieurs paragraphes aux flux financiers illicites, démontrant que le détournement systématique des fonds publics, l’un des principaux moteurs de la violence, est une menace pour la paix, la sécurité et la stabilité. Il épingle Michel Martelly et Laurent Lamothe car ces derniers sont impliqués dans le scandale PetroCaribe (paragraphes 171-174). Romel Bell réapparait aussi pour cause de détournement de recettes douanières qui peuvent expliquer pourquoi il faisait des transferts en dollars américains dont le montant d’environ 78,029 représentaient à peu près le double de son salaire qui, combiné aux privilèges, s’élevait à environ 44,000 US. Dollars (paragraphes 175-176). Un autre nom a aussi surgi- celui de Patrick Noramé, ex -Directeur général du Bureau de monétisation- et est cité dans le détournement de l’aide bilatérale, le blanchiment d’argent et détournement de fonds publics entrainant une pauvreté généralisée et ces détournements ont des répercussions sur l’emploi, les soins de santé et l’éducation (paragraphes 177-179).
Le dernier paragraphe (182) concerne les recommandations. Le groupe fait des proposition sur le trafic d’armes (application d’un embargo ciblé à tous les acteurs non étatiques en Haïti et non plus seulement aux personnes et entités visées par les sanctions), sur le paragraphe 13 de la résolution 2653, sur les attitudes des Etats membres vis-à-vis d’Haïti ; il encourage Haïti à renforcer l’indépendance et l’intégrité du système judiciaire, à mettre en place des mécanismes d’établissement des responsabilités pour lutter contre la violence sexuelle et fondée sur le genre.
Ce rapport, bien que justifiant les raisonnements des personnalités de la branche saine du pays comporte des failles et même lorsque nous savons que l’erreur est humaine nous déplorons le fait que les « experts » aient omis de nous communiquer leur instrument de travail (questionnaire), leur échantillon et comment ce dernier a été établi. Leur méthodologie ne nous renseigne pas vraiment. Nous avons nous-mêmes déduit qu’ils ont utilisé des correspondances, l’internet et d’autres moyens. Il y a 10 départements dans le pays et pourquoi ont-ils privilégié l’Ouest, le Nord, le Nord-Ouest et Nord-Est (paragraphe 4). Ils ont fait quatre voyages en Haïti et malgré que nous ne connaissions pas la durée de temps passé en Haïti durant ces voyages, ça laisse l’impression que les « experts » ont été influencé en ce sens. Cette impression est légitime car nous n’avons pas vraiment de détails sur leur mission d’établissement des faits. Ils se sont rendus au « Canada, en Colombie ,en République dominicaine, en France, au Mexique et aux États-Unis d’Amérique pour des missions d’enquête. » Des éclaircissements sur ces enquêtes seraient très appréciés.
Les experts ont obtenu des informations des gangs ou anciens membres de gangs (bas de la page 19) ? Peut -on s’assurer de la fiabilité de ces informateurs ?
Pour que ce rapport soit utilisé sans souci de contestation, il faut que les preuves soient irréfutables et leurs références fiables. En effet, lorsqu’ils font référence à une entité ou un lien, il faut absolument que cette référence soit vérifiable. Sinon, une seule erreur peut faire douter de leur travail et de leur mission. C’est le cas de ce lien qui n’était pas disponible par exemple. (Voir www.facebook.com/pnh.ht/posts/pfbid04VizVoaVqA38zsQTD8woghZDXQ5vZvPhXGHb 7Xk36Har7whEWrLjNGdxwNeBZzzQl.). En essayant d’accéder, nous lisons « This content isn’t available right now. When this happens, it’s usually because the owner only shared it with a small group of people, changed who can see it or it’s been deleted » … et la traduction est la suivante: Ce contenu n’est pas disponible pour le moment. Lorsque cela se produit, c’est généralement parce que le propriétaire ne l’a partagé qu’avec un petit groupe de personnes, ou qu’il a modifié les personnes pouvant le voir ou encore qu’il a été supprimé. Est-ce un sabotage de la part de la police ?
Nous attirons une fois de plus l’attention de la société haïtienne sur les points cruciaux qu’il faut absolument continuer à considérer et :1) les ports- car le manque de ressources de l’administration douanière et les niveaux élevés de corruption dans le département sont des facteurs clés qui favorisent le trafic d’armes à destination d’Haïti (paragraphe 98). 2) Le système éducatif-La présence des gangs entrave l’éducation des enfants haïtiens qui ne peuvent fréquenter les salles de classe. Et la collusion entre policiers et les gangs ne présagent rien de bon. 3) la situation des bons policiers-Le moral des policiers est très affecté. 4) Le phénomène migratoire- un dilemme pour Haïti, le Mexique, les Etats-Unis et la République Dominicaine et cela facilite les activités criminelles. 5) La faiblesse de l’Etat-La malheureuse combinaison constituée par nos faibles institutions, l’absence de gouvernance surtout des finances publiques et un système judiciaire défaillant, encouragent la « non-application du principe de responsabilité, et la formation de réseaux criminels capables de détourner les fonds publics destinés à la stabilité économique d’Haïti.
Les « experts » nous donnent raison lorsque nous disons que l’ONU – dans ses multiples missions – a vraiment failli. Et l’ONU fait perdurer la souffrance des haïtiens… Dans quel but ? Malheur à ceux qui appellent le mal bien, et le bien mal, qui changent les ténèbres en lumière, et la lumière en ténèbres, qui changent l’amertume en douceur, et la douceur en amertume !
Dr. Winie E. Robin
Conférence Nationale : Sauver Haïti
8 octobre 2023
Lire aussi sur le Nouvelliste : Les révélations du rapport de 158 pages… Un diagnostic ou une seconde opinion ou opinion de seconde main?