Consensus, dialogue, négociation, concertation, les mots qui reviennent et qui résonnent depuis trop longtemps dans la vie des haïtiens. Des mots porteurs de changements et de sacrifices, mais aujourd’hui des mots creux dépouillés de sens pour le commun des haïtiens qui n’y voient qu’une séparation de pouvoir ou de richesse au détriment du citoyen lambda. Un partage de gâteau sans se soucier réellement des desiderata du peuple haïtien ou du moins une lutte de pouvoir entre “grands” pays qui souhaitent imposer leur agenda en Haïti.
Oui, chaque entité, nationale ou étrangère, au nom de son agenda personnel, utilise les mots à sa manière ou impose les solutions qui lui conviennent. Mais, il faut se demander, quand est ce que ces dirigeants de tout acabit sentiront dans leur propre chair les douleurs réelles et profondes de la population haïtienne. Non, le peuple haïtien n’est pas sur la table des négociations.
On dit que le peuple dans un régime démocratique fait passer ses revendications à travers :
- Les élections ;
- Les manifestations ;
- Les revendications de toutes sortes, voire la désobéissance civile.
On dit aussi que les élus dans ce même régime sont la voix du peuple. Aujourd’hui, en absence d’élus, qui parle pour lui ?
Le dernier président élu Jovenel Moïse, alias Aprèdye, assassiné dans la nuit des 6 et 7 juillet 2021, ne s’est pas donné la peine d’organiser les élections pour le renouvellement du personnel politique. Ariel Henry, ayant en main un moniteur de nomination de Jovenel Moïse est devenu PM grâce à un tweet du Core groupe.
En Septembre 2022, la population a gagné les rues pour dénoncer la hausse du prix du carburant. Ariel Henry n’a pas bronché, et après une semaine de silence, il a déclaré que les gens qui étaient dans les rues étaient manipulés et appartenaient à des gangs. Et depuis ce jour, les gangs avancent, gagnent du terrain et imposent leur volonté machiavélique.
Après quelques jours de peyi lòck (paralysie des activités), les américains confirment qu’il fallait éliminer la subvention au niveau du carburant et que les fonds ainsi générés seront dorénavant affectés à des programmes sociaux et d’éducation. Est ce bien cela que le peuple avait demandé, dans un pays où l’Etat ne fournit aucun service de base pour le bien-être de sa population ? Qui veille aux intérêts des minorités et marginalisés sur la table des négociations ? Où sont passés les projets se rapportant à l’élimination de la subvention du carburant?
Le kidnapping est relancé, les bandits élargissent leur territoire, ils se tiennent en face de la population. Ils tuent, violent et brûlent des maisons. Ils n’ont comme maître que leurs armes et munitions et la drogue qui leur permet de se sentir invincibles. La population dénonce la mauvaise gestion du gouvernement et l’insécurité par des manifestations le plus souvent réprimées par la police.
Entre-temps, l’exode interne se poursuit. Les familles de Port-au-Prince ne savent plus où s’abriter. Martissant, Fontamara, Thomassin, Pernier, Vivy Mitchel, Torcel, Croix-des-Bouquets, Canaan, Bas-Delmas, Cité soleil, Solino et Carrefour-feuilles. Quand on ne fuit pas le kidnapping, on fuit les territoires conquis par les bandits invincibles. Personne n’est à l’abri. La police est dénoncée pour sa proximité et sa complicité avec les gangs armés. Des bandits se réclament aussi au service du gouvernement.
Tout se sait dans notre petit pays si singulier, mais on a toujours l’impression que le pays est dirigé et conseillé par ceux-là qui entretiennent la descente aux enfers du peuple haitien.
La population demande une collaboration entre la police et l’armée puisqu’elle existe. Mais cette réflexion est à écarter car la communauté internationale ne reconnaît pas l’armée haïtienne tandis que le budget du ministère de la Défense est alimenté par le contribuable haitien. Y-a-til une réflexion sérieuse et profonde pour freiner le banditisme?
Les bandits sont arrivés à Christ Roi il y a quelques semaines, à près de deux kilomètres de la résidence officielle de l’ambassadeur américain et de la résidence officielle du Premier Ministre.
Cela va faire un an depuis que le premier ministre Ariel Henry avait demandé une aide militaire étrangère pour faire face aux bandits qui, à l’époque, n’étaient pas aussi ambitieux.
Cela fait plus de deux ans que les acteurs politiques sont en discussion (ou dialogue) voire en négociation pour une gouvernance plus large et inclusive, pour une nouvelle forme de gouvernance.
Haïti a reçu, cette année, les émissaires de toutes nationalités et jamais le Caricom n’a été autant impliqué dans un dialogue interhaitien.
La République dominicaine va de son côté jusqu’à faire du chantage, augmenter les déportations et provoquer un scandale pour la construction d’un canal sur la rivière massacre du côté Haïtien.
Le Canada impose des sanctions, les Etats-Unis aussi et bientôt l’ONU. Est ce que la vie de la population s’est améliorée pendant que, depuis bientôt un an, les sanctions tombent goutte à goutte ?
Il reste un fait que la population n’est pas sur la table des négociations, sinon des mesures même conservatoires auraient pu être adoptées en attendant que les acteurs partagent le gâteau ou que les agendas soient exécutés.
Aujourd’hui, Fanmi Lavalas qui s’est toujours vanté d’être le parti politique le plus proche de la population souhaite une solution avec le leadership du premier ministre Ariel Henry. Mais quel Leadership !
Quels sont les intérêts réels qui se discutent? Pourquoi veulent-ils tous se partager le gâteau de l’insécurité, du kidnapping, de la crise humanitaire, de l’exode et de la mauvaise gouvernance. Il est temps que la population soit réellement sur la table des négociations et des débats.
La Rédaction
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