Communiqué : HAÏTI EST RESPONSABLE DE L’ABSENCE DE PROTECTION D’UNE FAMILLE FACE AUX MENACES SUBIES ET DE L’IMPUNITÉ DANS LAQUELLE SE TROUVE L’HOMICIDE D’UN DE SES MEMBRES
San José, Costa Rica, le 13 décembre 2023.- Dans l’arrêt de l’affaire Baptiste et autres c. Haïti notifié aujourd’hui, la Cour interaméricaine des droits de l’homme a conclu que l’État est responsable de l’absence de protection des droits de M. Willer Baptiste et de sa famille face à de multiples menaces et tentatives d’homicide dont ils ont été victimes entre 2007 et 2009, ainsi que du manque de diligence dans l’enquête et de l’impunité alléguée dans le cas du décès de son frère Frédo Guirand, âgé de 16 ans, et des menaces et attentats susmentionnés.
Dans un contexte de grave polarisation politique, d’insécurité publique et de déficience institutionnelle, M. Willer Baptiste et sa famille étaient victimes de menaces et d’attaques de la part de groupes armés en Haïti. Le 4 février 2007, un groupe armé a tenté d’attaquer M. Willer Baptiste et a assassiné son frère cadet, Frédo Guirand, âgé de 16 ans. Au fil des ans, M. Baptiste et sa famille ont été victimes de menaces et d’attaques continues, les obligeant à changer de domicile plusieurs fois et, dans le cas de M. Baptiste, à s’exiler aux États-Unis en 2016. Malgré des plaintes formelles déposées auprès des autorités, l’État n’a fourni aucune preuve d’avoir engagé des procédures judiciaires pour enquêter et poursuivre les responsables des attaques et menaces.
Dans son arrêt, la Cour a affirmé que l’État n’avait pas rempli son devoir de protéger l’intégrité personnelle de M. Baptiste et de sa famille face aux menaces signalées aux autorités. De plus, en ce qui concerne la mort de Frédo Guirand, la Cour a établi que l’État est responsable de la violation du droit à la vie et des droits de l’enfance, reconnus aux articles 4.1 et 19 de la Convention américaine des droits de l’homme, en relation avec l’article 1.1 du même instrument, en n’ayant pas garanti sa vie dans un contexte de grave insécurité.
Le Tribunal a estimé que, dans le cas spécifique, il y a eu une restriction de facto au droit à la libre circulation et à la résidence de M. Baptiste et de sa famille.
Cette restriction est imputable à l’État en raison du manque de mesures de protection en faveur des victimes présumées, malgré sa connaissance de la situation d’insécurité dans laquelle elles se trouvaient et en raison du manque d’enquête sur les faits violents, y compris l’assassinat du frère cadet de M. Baptiste. De même, M. Baptiste a été contraint de déménager aux États-Unis, entraînant la séparation de sa famille, de sorte que la conduite passive de l’État a entraîné une altération de la vie familiale de la victime. De plus, cela a entraîné des changements continus de domicile et d’écoles, endommageant ainsi son projet de vie et celui de leur famille.
En raison du manque d’enquête, tant sur les menaces que sur la mort de Frédo Guirand, l’État a également été déclaré responsable de la violation des garanties judiciaires et de la protection judiciaire. Enfin, l’atteinte à l’intégrité de la mère de Frédo Guirand et Willer Baptiste a également été considérée, ce qui a entraîné la violation de l’article 5.1 de la Convention.
En raison des violations constatées dans le jugement, la Cour a ordonné, entre autres mesures de réparation, que l’État doit garantir le retour ou la réinstallation en toute sécurité et dignité de M. Baptiste et sa famille, ainsi qu’un programme de protection pour les personnes en danger en raison du crime organisé. En particulier, l’Organisation des États américains (OEA), ainsi que ses États membres, ont été encouragés à soutenir ces initiatives dans le cadre du devoir de garantie collective.
La Juge Patricia Pérez Goldberg a annoncé son vote partiellement dissident, qui accompagne le jugement.
La composition de la Cour pour le prononcé de cet arrêt était la suivante : Juge Ricardo C. Pérez Manrique, Président (Uruguay); Juge Eduardo Ferrer Mac-Gregor Poisot, Vice-président (Méxique); Juge Humberto Antonio Sierra Porto (Colombie); Juge Nancy Hernández López (Costa Rica); Juge Verónica Gomez (Argentine), Juge Patricia Pérez Goldberg (Chili) y Juge Rodrigo Mudrovitsch (Brésil).