Le Conseil présidentiel (CP) en formation convenu le 11 Mars 2024 par la déclaration de la Caricom tarde à prendre une forme légale.
Une chose à la fois malgré l’urgence de l’heure, malgré les stratégies et tactiques bien calculées des gangs armés qui terrorisent à chaque minute la population haïtienne. Les désidératas du peuple et l’urgence ne semblent pas émouvoir les acteurs politiques réunis autour de la Caricom et du Core groupe et encore moins les membres du gouvernement qui hésitent à faire publier le décret sur le CP dans le journal officiel “Le Moniteur”. Ils avancent tous à pas de tortue ou est-ce par Stratégie politique : une chose à la fois.
Tandis que le CP n’arrive pas encore à se décider sur le choix du Président du Conseil, les critères pour être Premier ministre sont tellement bien définis qu’on se demande si le PM n’est pas déjà là en attente de son installation. Certains alinéas du décret créant et organisant le CP ne tiennent même pas compte de la constitution de 1987 amendée, voire la constitution créole que le CP a tout simplement décidé d’abroger en dehors de tout principe constitutionnel ou toute logique juridique.
Qui sera donc le PM du CP ?
Il est un Haïtien d’origine au moins ! L’obligation faite par l’article 157 de la constitution 1987 en sa version amendée « de n’avoir jamais renoncé à sa nationalité » a été, paraît-il à dessein, supprimée.
Alors le PM est un Haïtien d’origine qui vit dans la Diaspora. Il est, soit une personne qui est née en dehors d’Haïti d’un père haitien ou de mère haïtienne, soit un résident haïtien vivant dans un pays qui lui a donné ce statut. Le PM du Conseil présidentiel peut avoir n’importe quelle autre nationalité du moment où il peut établir qu’il est un haïtien d’origine.
Certains pensent que cet article remanié souhaite prouver à la diaspora qu’elle a une place de choix dans le Conseil. Cependant, cette démarche n’est nullement convaincante, car la diaspora aurait pu siéger parmi les neuf (9) membres, voire même faire partie des 7 membres à cette phase de modification de la loi mère du pays par les acteurs politiques formant le CP.
Fait bizarre, le Conseil a pris le soin de supprimer l’alinéa 6 de l’article 157 de la Constitution portant sur la décharge si on a été comptable des deniers publics. Comment un Conseil qui a décidé de combattre la corruption peut-il supprimer une pareille et contraignante obligation ? Est-ce que les Petro-challengers Nou Pap Domi et autres, membres de l’Accord de Montana, qui exigent la reddition des comptes, les arrêts débets de la Cour des comptes, ont-ils agréé cette démarche ? Cela signifie tout simplement que les Petro-challengers ont changé leur discours et acceptent que quelqu’un qui est supposé avoir dilapidé les fonds Petrocaribe dirige le pays.
Cette suppression nous invite à nous demander si toutes les entités et sous-entités, ayant signé pour le Conseil Présidentiel ont approuvé et ratifié les termes de l’Accord politique et le projet du Décret.
Un décret, insolite pour le moins, qui annule toutes les lois et dispositions de lois du pays qui lui sont contraires dans ces dispositions, qui amende et abroge la Constitution du pays doit être lu et passé au peigne fin. Les défaites du droit sont éphémères dit-on, la prudence doit être le guide des acteurs du CP.
Alors le PM est quelqu’un qui est en attente d’une décharge et vu que le mandat de la Cour des comptes était achevé le 7 avril 2024, cette personne allait se trouver dans l’impossibilité de faire des suivis et dans la situation de formalités impossibles. On se demande ici si le gouvernement de Ariel Henry n’a pas, à dessein, prolongé le mandat des juges de la Cour des comptes au 7 Mai 2024.
Pour confirmer que le nouveau PM ne réside pas en Haïti, il a été supprimé l’obligation d’avoir résidé dans le pays pendant 5 années consécutives.
En somme, on pourra dire que le/la PM de la transition sera :
- importé(e) comme c’était le cas pour Gérard Latortue ;
- en panne de décharge de sa gestion pour avoir servi le pays dans le temps ;
- en difficulté de prouver qu’il ou elle avait résidé dans le pays ces 5 dernières années ;
- un(ne) haïtien(e) d’origine (même avec une autre nationalité) ;
- un(e) technicien(ne) et non un(e) politicien(ne) ;
La lecture du profil du poste PM renforce l’idée que le/la PM (taillé-e sur mesure) est déjà en ligne et non négociable. Il est important de souligner que l’article 45 du décret portant sur le profil de PM est le même pour les ministres.
Article 45. alinea 2 Profil professionnel et Compétences
• Avoir une bonne connaissance de l’administration publique ;
• Avoir une bonne expérience managériale de haut niveau ;
• Démontrer une bonne connaissance de la vie politique haïtienne, des enjeux géopolitiques et de la crise profonde que traverse le pays ;
• Développer d’excellentes compétences en communication ;
• Maitriser l’art de la négociation ;
• Démontrer une grande capacité de rassembler et de construire des ponts entre les secteurs ;
• Être capable de travailler en équipe et sous pression ;
• Avoir une trajectoire professionnelle attestant d’un leadership fort ;
• Ne montrer de parti pris pour aucun acteur politique, économique ou social ;
• Montrer de l’empathie pour la souffrance de la population haïtienne.
L’appel à candidature planifiée est donc lancé. Dans les moments où la désagréable symphonie des balles des bandits s’estompent, les plus fervents pourront mettre des noms sur le profil. Espérons que pour ce poste et le gouvernement à naître au moins le quota en matière d’équité de genre sera respecté.
La rédaction
L’équipe Juridique