À la fin de sa mission, l’ambassadeur du Canada en Haïti a estimé nécessaire d’écrire au peuple haïtien pour expliquer en 4 axes ses accomplissements dans le cadre de la mission qu’il a dirigée pendant deux (2) ans. Mis à part la lettre ouverte, des interviews ont suivi ; comme pour convaincre les incrédules ou pour s’enorgueillir d’avoir été promu Chef de Protocole comme l’a annoncé Miami Herald.
Dans son prochain emploi, Carrière sera affecté à Ottawa. Il sera chef du protocole du gouverneur général et du premier ministre, tout en continuant de représenter le Canada auprès de l’Organisation internationale de la Francophonie.1
Les curieux se demandent s’il s’agit d’une réelle promotion ou d’une rétrogradation car le chef de protocole n’est pas dans l’ordre des préséances du Canada.
Carrière souhaite laisser derrière lui, une meilleure image du Canada que celle qui est dans la perception. Dans ses textes, tweets et entrevues l’ambassadeur fait des aveux, lance des autocritiques et se contredit certaines fois. Analysons les déclarations du Diplomate tenant compte du fait que tout diplomate choisit bien ses mots.
D’entrée de jeu, dans sa lettre ouverte publiée dans le journal Le Nouvelliste du 14 août 2023, l’ambassadeur du Canada a expliqué comment il a pu visiter le pays, participer aux soirées culturelles, faire du tourisme local, déguster les bons plats d’Haïti dans ses tournées en dehors de la capitale3.
Voulant peut-être faire une introduction sur une note sympathique, l’ambassadeur semble oublier un instant que depuis deux ans les Haïtiens sont cloîtrés chez eux, limitent leur déplacement à l’essentiel, que les enfants bouclent difficilement leur année scolaire, que les familles sont appauvries, que des entreprises se ferment, que les haïtiens quittent le pays en grand nombre.
Mais le plus important est que cela fait deux ans depuis que les gangs terrorisent la population, violent nos mères, nos frères, nos filles, nos enfants de manière générale sans compter la crise humanitaire qui fait rage selon les données de l’ONU. Et aussi, bientôt un an depuis que le Canada a décidé de prendre le leadership dans le dossier Haïti. Quels résultats concrets aujourd’hui ?
Nous savons tous combien M. Carrière aime les Haïtiens, d’ailleurs dans son interview sur radio Caraïbes, il a même informé que sa mère avait un copain haïtien. Mais il existe des moments macabres qui obligent le silence devant la souffrance de l’autre4.
Pourquoi cette nécessité de rappeler de manière avilissante que le Canada a donné $100 000 de panneaux solaires à la Police Nationale d’Haïti quand nous savons qu’ils ont contribué pour plus de cinq (5) milliards de dollars dans le panier de l’Ukraine. Pas un seul des montants versés pour Haïti, n’est rentré directement dans les caisses de l’Etat. Est-ce par manque de confiance dans la gestion de Ariel Henry que le Canada semble supporter ? Seules les organisations internationales et entreprises canadiennes reçoivent le panier d’Haïti.
Carrière qui a commencé en 2000 sa carrière de diplomate regrette de n’avoir pas eu la chance de tout visiter. “Mes seuls regrets sont de ne pas avoir eu l’occasion de visiter toutes les régions du pays”.
Et dans le deuxième axe on lit “Le Canada accueille par ailleurs positivement l’intention annoncée par le Kenya récemment de prendre la tête d’une mission internationale d’assistance sécuritaire en Haïti pour aider à combattre les gangs qui tiennent la capitale et le pays en otage”.
La capitale et le pays étant en otage, comment l’ambassadeur a-t-il pu, lui-même, faire ses tournées et visiter les chantiers. L’insécurité est-il uniquement le problème des Haïtiens ? En deux ans de pays quasi « lòck », l’ambassadeur a vu Port-au-Prince, Cap Haïtien, Limonade, Cayes, Camp-Perrin, Maniche, Jérémie et Gonaïves. Il a même eu “un Pratik de Lambi boucané” à Gelée aux Cayes, Chez Raymonde.
Sébastien Carrière, un ambassadeur original, simple et très branché dans la culture haïtienne diront tous ceux qui l’ont connu.
Dans son quatrième axe et pas le moindre, il parle des sanctions.
Le peuple haïtien a accueilli avec satisfaction la résolution (2653) du 21 octobre 2022 du Conseil de sécurité des Nations-Unies mettant en place un régime de sanctions en Haïti dans le cadre de la lutte contre les gangs armés5.
Mais, sans comprendre, pourquoi le Canada a décidé de doubler l’ONU en sanctionnant, à l’avance dans la plus grande opacité, les membres des élites économiques et de la classe politique. Des bandits notoires, cruels et violents sont aussi catégorisés comme appartenant à l’élite haïtienne. Quel coup de massue à notre société ! Quelle entaille profonde pour l’histoire d’Haïti !
Des organisations étrangères de droit de l’homme ont dénoncé ces procédés6 ;
L’Association des Industries d’Haïti (ADIH) a protesté contre cet arbitraire et rappelé au Canada qu’il était un État de Droit7 ;
Les conseils d’administration des banques sont inquiets pour la stabilité de leur portefeuille.
Mais le plus grand aveu contenu dans cette lettre est celui-ci 8:
“Les sanctions ont créé un climat de pression directe sur les membres de l’élite pour qu’ils aident à la résolution de la crise – car il existe toujours une possibilité que des sanctions supplémentaires soient imposées. D’après Carrière, les sanctions ont eu un impact immédiat « puisque les derniers mois ont vu un engagement concret de l’élite économique dans le dialogue politique”.
Doit-on comprendre ici que les gens qui ont été sanctionnés sont ceux qui dès le départ ont voulu faire obstacle à l’Accord du 21 Décembre 2022 de Ariel Henry et que les sanctions participent d’un processus de chantage ?
Ariel Henry avait-il dénoncé ceux qui ne voulaient pas rentrer dans sa logique ?
Les membres de l’élite qui n’ont pas été sanctionnés par le Canada ont-ils eu le temps de s’aligner? ou s’agit-il d’un échantillon afin que les autres anticipent la punition ?.
D’ailleurs, un partisan farouche de Ariel Henry, qui se veut être son porte-parole, Paul Gérot Jean-Baptiste, a déclaré dans une conférence de presse en juillet dernier « malheur à celui qui se met en face du PM Henry, Il sera sanctionné »9. Une déclaration qui n’a jamais été rectifiée par le pouvoir en place.
Dès lors, il s’évidente que les sanctions canadiennes ne se reposent sur aucun fondement légal.
On comprend pourquoi les sanctionnés se plaignent de n’avoir reçu aucune réponse de leur correspondance adressée à la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, malgré la procédure tracée dans le règlement sur les mesures restrictives.10
« Décision du ministre
(2) Dans les trente jours suivant la réception de la demande, le ministre :
- a) s’il est établi que le demandeur n’est pas la personne dont le nom figure sur la liste, délivre l’attestation;
- b) dans le cas contraire, transmet au demandeur un avis de sa décision.”
Les sanctions ont une saveur bien politique et non juridique, Monsieur l’Ambassadeur.
Même la justice haïtienne se plaint de n’avoir reçu aucun dossier pour lancer la procédure qui convient en Haïti. La Ministre de la Justice, Emmelie Prophète, a informé avoir écrit au gouvernement canadien pour demander les dossiers des sanctionnés, mais dans un débat sur twitter « Executivetalk », l’ambassadeur Carrière a déclaré qu’il n’existe aucune demande officielle du gouvernement à ce propos. Qui est en train de mentir ici?
Le peuple haïtien nécessite du concret et non de la tergiversation ni de la grandiloquence ; ce, de part et d’autre.
On s’attendait à lire dans la lettre ouverte de l’Ambassadeur Carrière, la mission réelle de l’avion qui a survolé le pays et celle des navires dans les eaux haïtiennes.
Le Canada doit se reprendre s’il souhaite que les Haïtiens le prennent au sérieux.
Ne faut-il pas plutôt signaler à l’attention de l’Ambassadeur Carrière que personne n’est dupe et que la gouvernance canadienne actuelle par les sanctions a voulu faire aussi une fleur à la diaspora haïtienne de tendance lavalassienne à l’approche des élections au Canada ?
Peut-il nous expliquer pourquoi pas un seul nom des fauteurs de troubles lavalassiens, ses trublions qui ont établi les gangs armés, ne figure sur la liste des sanctionnés alors que tous nous connaissons les ancêtres des gangs dont le PHTK est devenu l’heureux héritier. Demandez à Ariel et son entourage immédiat ce qu’ils en pensent?
Les rapports des organisations travaillant avec les Nations-unis le confirment aussi11.
« Haïti est un pays qui nous habite dès qu’on y met pied », il est vrai. Mais comme dit le dicton chez nous : “Ayiti se tè glise.”
Orevwa, Nap rewè ankò
Ayiti se …. (hommage à Mikaben)
La rédaction
@lequotidienht
- https://www.miamiherald.com/news/nation-world/world/americas/haiti/article278298273.html ↩︎
- https://www.canada.ca/fr/patrimoine-canadien/services/directives-protocolaires-evenements-speciaux/tableau-preseance-canada.html ↩︎
- https://www.lenouvelliste.com/article/243931/en-fin-de-mission-sebastien-carriere-ecrit-une-lettre-ouverte-aux-haitiens-et-haitiennes ↩︎
- https://www.youtube.com/watch?si=4KvzHROP8iiRm-2I&v=2zN6aicmtTg&feature=youtu.be ↩︎
- https://www.un.org/securitycouncil/fr/sanctions/2653 ↩︎
- https://infomarruecos.ma/denuncian-en-la-onu-intereses-ocultos-para-mantener-situacion-de-haiti-y-graves-violaciones-a-los-ddhhcecilia-fernandez-c-portal-noticioso-ginebra/ ↩︎
- https://lq509.live-website.com/sanctions-note-de-presse-de-lassociation-des-industries-dhaiti/ ↩︎
- https://lq509.live-website.com/haiti-les-sanctions-canadiennes-fermeront-bientot-la-sogebank/ ↩︎
- https://www.facebook.com/watch/?v=970507787624291 ↩︎
- https://laws-lois.justice.gc.ca/fra/reglements/DORS-2022-226/TexteComplet.html ↩︎
- https://globalinitiative.net/wp-content/uploads/2022/10/Summer-Walker-Les-gangs-en-Hai%CC%88ti-Expansion-pouvoir-et-aggravation-de-la-crise-GI-TOC-octobre-2022.pdf ↩︎