De retour d’une mission d’une semaine en Haïti, William O’Neill, expert du Haut-Commissariat aux droits de l’homme de l’ONU, dresse le 11 Mars au micro de Onuinfos, un constat accablant de la situation sécuritaire à Port-au-Prince. Selon lui, la terreur imposée par les gangs domine la capitale, plongeant la population dans la peur et l’angoisse.
Une force policière insuffisante et mal équipée
Avec seulement 9 000 policiers pour une population de 11 millions d’habitants, la Police nationale d’Haïti (PNH) peine à contrôler la situation. Parmi les 2 500 agents prévus pour la Mission Multinationale d’Appui à la Sécurité (MMAS), seuls 1 100 sont actuellement déployés. Or, dès la tombée de la nuit, les forces de l’ordre se replient, laissant la population à la merci des gangs dans un jeu de « chat et souris » constant.
Outre le manque de personnel, la PNH souffre d’un cruel déficit en équipements. « Ils n’ont pas la capacité de garder le terrain même s’ils délogent un gang d’un territoire », explique O’Neill, soulignant l’absence de stratégie claire pour lutter efficacement contre ces groupes armés.
Un manque de volonté politique et des sanctions indispensables
Pour O’Neill, il ne suffit pas d’intensifier les opérations militaires. Il est primordial de s’attaquer aux financiers des gangs, ces « hommes en cravate et femmes en col blanc », des oligarques et politiciens qui profitent du chaos. « Les hommes et femmes d’affaires craignent les sanctions, car elles peuvent leur faire perdre leur visa pour la France ou les Etats-Unis, leur accès aux établissements de santé à l’étranger, et compliquer leurs transactions », précise-t-il.
L’expert recommande un embargo strict sur les armes, traquant les trafiquants et exportateurs, notamment via la République Dominicaine, la Floride et la Jamaïque. Sans accès aux munitions, les gangs perdraient rapidement leur influence.
Un espoir fragile
Malgré ce tableau sombre, O’Neill estime qu’une solution est envisageable si trois mesures sont appliquées avec rigueur :
- Renforcer la MMAS avec au moins 2 500 agents bien formés, dotés d’armes, de drones et d’hélicoptères.
- Imposer des sanctions aux acteurs économiques et politiques soutenant les gangs.
- Faire respecter un embargo strict sur les armes pour couper l’approvisionnement des criminels.
Si ces mesures sont mises en œuvre avec « beaucoup de rigueur et d’envergure », l’expert estime que la crise pourrait être résolue en quelques mois. Mais il reste sceptique quant à l’engagement réel des États-Unis et d’autres acteurs internationaux pour concrétiser cette approche.
Une population à bout
O’Neill souligne également que la population haïtienne rejette massivement les gangs, contrairement à certains discours. « Le ‘bwakale’, cette justice brutale populaire, est une réaction à l’absence de l’État et à la peur constante », analyse-t-il.
Pendant sa visite, il a rencontré des enfants et des femmes détenus en raison de leur implication forcée avec les gangs. Beaucoup sont enrôlés par crainte de rétorsions ou par détresse économique.
L’urgence d’agir
L’expert rappelle que la crise haïtienne est non seulement une question de sécurité, mais aussi de volonté politique et de financements. « Les coupes budgétaires des Américains et la cessation du financement de l’USAID sont terribles pour Haïti, notamment en matière de santé, d’éducation et d’infrastructures. » Pourtant, les dirigeants ne réagissent pas et ne disent pas encore comment ils prévoient compenser ni comment ils feront face aux problèmes soulevés par cette décision de l’administration américaine.
La communauté internationale fera-t-elle le nécessaire pour soutenir une solution durable ? Pour l’instant, la stratégie reste floue de part et d’autres, et la population haïtienne continue de subir la violence des gangs, dans l’attente d’une réelle action concertée.
La rédaction