Perchée dans les hauteurs verdoyantes de Port-au-Prince, la commune de Kenscoff vit aujourd’hui au rythme de la peur. Jadis havre de paix et symbole de fraîcheur, cette localité fait désormais face à une série d’attaques armées ciblant des membres influents du secteur privé haïtien.
Entre le 27 janvier et le 27 mars 2025, Kenscoff et Carrefour ont été le théâtre d’affrontements meurtriers entre gangs armés et civils. Le dernier rapport du BINUH publié le 7 avril est sans appel : au moins 262 personnes tuées (dont 115 civils et 147 membres de gangs), 66 blessés (59 civils et 7 gangs), et 8 membres des forces de sécurité touchés (4 morts et 4 blessés).
La violence persiste — et s’intensifie.
Dans la nuit du 5 au 6 avril 2025, l’hôtel Le Montcel, fleuron du patrimoine touristique local, a été entièrement ravagé par les flammes. Selon plusieurs sources concordantes, l’incendie aurait été perpétré par des hommes lourdement armés appartenant à la coalition criminelle « Viv Ansanm ».
Quelques jours plus tôt, la résidence de l’homme d’affaires Olivier Barrau, président du conseil d’administration de la Banque de l’Union Haïtienne (BUH) et directeur général de l’Alternative Insurance Company (AIC), avait été la cible d’une attaque similaire. Proche de l’ancien président Jovenel Moïse, mais également du Premier ministre actuel Alix Didier Fils-Aimé, Barrau est considéré comme une figure centrale du pouvoir économique et politique en Haïti. Il entretiendrait également des liens étroits avec le Conseil Présidentiel de Transition (CPT), à travers Laurent Saint-Cyr.
Une série noire d’attaques ciblées
Olivier Barrau n’est pas la seule cible. Ces dernières semaines, la résidence secondaire de plusieurs grandes familles a été ciblée dans cette commune. La vie des paysans et les petites entreprises, pilier de l’agrotourisme local, ont été saccagées.
À Belot, une zone stratégique reliant Kenscoff au Sud-Est du pays, des barrages routiers ont été érigés par les gangs.
Un silence pesant du secteur privé
Dans ce climat de violence, l’élite économique haïtienne adopte une posture pour le moins troublante : le silence. Laurent Saint-Cyr, ex-président de la Chambre de commerce et d’industrie d’Haïti (CCIH) et ancien membre du Haut Conseil de Transition (HCT), aujourd’hui membre actif du CPT et futur président du Conseil, est resté muet malgré les attaques visant ses proches collaborateurs.
La scène glaçante de bandits armés, vêtus avec élégance, postés devant la maison incendiée d’Olivier Barrau, semble constituer un message codé, lourd de menaces.
Une spirale de violences incontrôlées
Haïti continue de s’enfoncer dans une crise multidimensionnelle où l’économie, la politique et la sécurité s’effondrent de manière simultanée. Pendant ce temps, les grandes voix du pays, pourtant directement visées, choisissent de se taire.
La rédaction