La rédaction du Journal Le Quotidien 509 continue de publier les différents thèmes traités dans le “Rapport final du Groupe d’experts sur Haïti présenté en application de la résolution 2653 (2022)”. Ce rapport a donné naissance à la résolution 2700 qui a été adoptée à l’unanimité par le Conseil de Sécurité des Nations Unies.
Que dit le rapport sur les gangs (extrait) ?
87. Le trafic d’armes et de munitions vers Haïti est l’un des principaux moteurs de l’expansion du contrôle territorial des gangs et des niveaux extrêmes de violence armée dans le pays, et représente une menace pour la stabilité régionale. Le Groupe d’experts estime que les autorités haïtiennes et les États Membres de la région dans son ensemble devraient avoir pour priorité de mettre fin au flux d’armes et de munitions dans le pays, et que les dispositions relatives à l’embargo sur les armes ciblé devraient être renforcées de toute urgence et de manière stricte.
88. La demande d’armes progresse et les prix sont élevés, ce qui fait du trafic d’armes une activité très lucrative, même en petites quantités(« trafic de fourmi »). Ainsi, des fusils semi-automatiques de 5,56 mm, qui se vendraient pour quelques centaines de dollars aux États-Unis, sont régulièrement vendus entre 5 000 et 8 000 dollars en Haïti, tandis qu’une arme de poing de 9 mm peut être vendue entre 1 500 et 3 000 dollars et les munitions entre 3 et 5 dollars la cartouche. Les saisies d’armes à destination d’Haït ou déjà dans le pays ne sont pas énormes en termes de quantité – la plus importante relevée par le Groupe d’experts depuis janvier 2022 fait état de 23 articles pour les armes à feu et 120 000 cartouches pour les munitions (voir annexe 29) ; toutefois, les trafics sont nombreux, d’où une accumulation inquiétante de matériel dans le pays.
89. Les détenteurs d’armes qui se fournissent de manière illicite sont de tout type : civils, sociétés de sécurité privées et gangs. Bien que les réseaux de trafic ne soient pas très sophistiqués, ils font intervenir un large éventail d’acteurs allant d’hommes de paille (straw-buyers) aux États-Unis, aux transporteurs de fonds, aux transitaires, aux fonctionnaires et aux petits opérateurs du marché illicite en Haïti, qui vendent aux plus offrants. Certains gangs disposent non seulement de moyens financiers importants qui leur permettent de se procurer du matériel coûteux, mais ils ont aussi des réseaux qui leur facilitent l’achat à l’étranger et le transport jusqu’en Haïti. Le Groupe d’experts travaille actuellement sur plusieurs affaires de trafic par voie maritime, terrestre et aérienne, dont certaines figurent dans le présent rapport. Il poursuit son enquête sur d’autres, qui feront l’objet d’un rapport en temps utile.
2.1. Typologie des armes à feu illicites en Haïti.
Bien qu’il soit très difficile de déterminer le nombre d’armes à feu en circulation dans la population civile, les organisations de recherche spécialisées, les organismes des Nations Unies et les agences gouvernementales haïtiennes estiment qu’il serait de 291 000 en 2018 et de 600 000 en 202271. Puisque seulement quelques milliers de permis d’armes à feu sont délivrés ou renouvelés chaque année (voir plus bas), la grande majorité des armes à feu sont détenues de manière illégale. Comme dans d’autres pays des Caraïbes, les armes de poing de 9 mm restent les plus convoitées. Les autorités ont saisi 191 armes à feu entre octobre 2022 et juillet 2023, dont 102 pistolets et 45 fusils (voir annexe 33).
93. Ces trois dernières années, les gangs des départements de l’Ouest et de l’Artibonite ont considérablement accru leur puissance de feu, leur stratégie d’acquisition se concentrant surtout sur les fusils semi-automatiques. Les membres des gangs continuent d’utiliser principalement des armes de poing de 9 mm et des fusils semi- automatiques de 5,56 mm ainsi que des fusils semi-automatiques de 7,62 x 39 mm, mais dans une bien moindre mesure. Aucun effort n’est ménagé pour se procurer les munitions associées à chacun de ces calibres (voir annexe 32).
94. Le Groupe d’experts est préoccupé par la présence d’armes et de munitions de plus gros calibre en circulation dans les gangs. Il a reçu des vidéos récentes de mitrailleuses légères de 7,62 x 51 mm alimentées par bande de munitions, aux mains des gangs Canaan et 5 Segond. Il a également reçu des vidéos montrant les gangs Grand Ravine et Ti Bois en possession de munitions de 12,7 x 99 mm (pour mitrailleuses lourdes ou fusils de tireur d’élite). Il n’a pas été en mesure de confirmer si ces gangs disposaient des systèmes d’armes correspondants, mais il a reçu des preuves selon lesquelles ils avaient essayé activement d’en acheter.
95. Selon le personnel médical interrogé par le Groupe d’experts, le nombre croissant d’armes en circulation ainsi que la modernisation des arsenaux ont un impact sur la létalité et la gravité des blessures. Le Groupe d’experts a également documenté l’utilisation de munitions à pointe creuse en Haïti. Les balles à pointe creuse, qui se dilatent à l’impact, provoquent des blessures plus dévastatrices.