Cela pourrait choquer plus d’un, mais après un an, il faut se demander si Haïti a réellement besoin aujourd’hui de cette force multinationale que le Kenya a accepté de diriger.
Vue l’urgence de la situation sécuritaire et la montée subite (déclarée) du Choléra, le PM Ariel Henry et son gouvernement ont sollicité le 6 octobre 2022 des Nations Unies, la venue d’une force étrangère pour les aider à combattre les gangs armés. On se demande aujourd’hui, à la veille de la Noël 2023, soit plus d’un an plus tard, si cette urgence est toujours de mise.
Les faits étaient là pourtant :
- Le Choléra est de retour : les Nations unies sont préoccupées par une crise humanitaire ;
- Sous le leadership de Jimmy Chérizier alias Barbecue, le Terminal Varreux a été bloqué.
- Des quartiers réputés paisibles sont tombés entre les mains des bandits ;
- Des routes nationales tombent dans les territoires perdus ;
- Le kidnapping mène la danse à son propre rythme sous la baguette d’un maestro invisible ;
- Les bandits ont obligé certains pays a rapporté leurs personnels et citoyens ;
- Les programmes d’immigration de Biden et du Canada vident Haïti de ses ressources humaines souvent les plus qualifiées.
L’insécurité grandit, croit, décroît et quand elle semble disparaître frappe de plus belle. Et noël arrive !
Mais parallèlement à tout cela, on a comme l’impression que tout va bien à Port-au-Prince.
Les conférences, séminaires, débats, foires et expositions se tiennent dans les grands hôtels. Certains hôtels avec parkings sécurisés sont tout simplement le quartier général de la vie citoyenne haïtienne. Des accords politiques portent même leur nom.
Les grands rendez-vous culturels des musiciens, des comédiens, des écrivains, des artisans et autres n’ont pas été reportés pour l’arrivée de la force non onusienne en Haïti.
Les photographes de renom, les magazines culturels continuent à faire vivre, à ceux qui craignent les rues, les événements les plus diversifiés. Les haïtiens sont restés resplendissants sous les yeux des experts photographes. Les artistes locaux et étrangers continuent de mettre le public en transe.
Les animations de quartier, “ti sourit, atè plat, car cash” , les clubs nocturnes, et les rendez-vous du soir n’ont pas non plus été reportés pour le Kenya.
Des ambassadeurs et diplomates, des membres d’organisations étrangères et onusiennes racontent sur X (ancien twitter) leur tournée dans les villes de province. Ils participent à l’inauguration de projets, à des foires, à des spectacles culturels comme si certains déplacements n’envoyaient pas un message contradictoire par rapport à l’insécurité. Les ambassades n’ont jamais été impliquées autant dans les événements socio-culturels.
N’était-ce la presse haïtienne, les dénonciations de certains organismes et agences onusiennes, on aurait pu se dire que le tableau d’Haïti présenté par le gouvernement et les bailleurs n’est pas authentique.
Peut-être que c’est à cause de cette contradiction élevée à Port-au-Prince que les derniers rapports se tournent vers l’Artibonite?
Peut-être, est ce pourquoi le conseil de sécurité de l’ONU avait tardé avec la résolution 2699(2023) autorisant l’arrivée de la force kenyane en Haïti.
Peut-être est ce à cause de cette contradiction que le ministre de l’intérieur du Kenya exige le versement de 241 millions de dollars US pour le déplacement du premier contingent policier.
Peut-être est ce cette contradiction qui fait que le dossier Haïti n’est plus aussi urgent dans l’agenda international.
Il faut se demander en effet pourquoi les rapports sur Haïti sont aussi sombres tandis que les envoyés des missions diplomatiques semblent mener une vie ordinaire à Port-au-Prince.
Des contradictions qui obligent à penser et à se demander pourquoi on ne met pas la main sur le maestro de l’insécurité de préférence et prendre l’argent promis par les pays amis pour renforcer concrètement les forces armées du pays.
La réalisation sans heurt des évènements politiques et culturels envoient un message de contradiction. Même le dernier carnaval du gouvernement a été un succès : 0 kidnapping.
Le citoyen ordinaire victime de l’insécurité se demande aujourd’hui s’il était tout simplement mal chanceux ce jour. “Se pat joul”.
Ces contradictions sont peut-être nécessaires pour montrer aussi la faisabilité des élections?
A quand la fin de l’urgence ! Pourquoi le père Noël doit venir avant la MMAS (mission multinationale d’appui à la sécurité)?
Cependant, la déclaration de Ulrika Richardson, Représentante spéciale adjointe du Secrétaire général au Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH) et Coordonnatrice résidente, lors d’une conférence de presse aux Nations Unies à Genève est tout aussi vraie.
Au micro d’ONU Info, elle a indiqué que les Haïtiens estiment vivre aujourd’hui la situation la plus difficile de l’histoire moderne : « ils vivent une période très douloureuse ».
« Chaque jour, les Haïtiens font face aux risques d’être tués, kidnappés, ou violés. Quand ils traversent la rue, ils ont la peur de leur vie », raconte Mme Richardson.
La rédaction