Et si nous parlons un peu de ceux qui de ne parlent pas. Ceux que nous rencontrons au quotidien sans pour autant les voir, les regarder comme ils le méritent vraiment. Sont-ils devenus de simples pierres sur notre route ? Pour cette sortie de la rubrique INTER-DIT, nous parlerons de nos bons vieux artistes peintres et artisans qui exposent leur art à proximité de la Place Saint-Pierre. Ceux qui permettent à ces rues, malgré l’intense tohu-bohu qui y règne, pour garder un peu de fantaisie et de dignité.
Il y a tant d’émotions, à faire pâlir le diable malgré lui, à entendre les témoignages de ces gardiens de l’âme et des couleurs haïtiennes, que notre plume est en manque de verbes pour décrire, lui-même, leur réalité et l’héroïsme qui les maintient à l’œuvre. Nous avons de ce fait, permis à deux d’entre eux, de parler de leur situation et celle de leurs confrères.
Polyde Pusseaux, peintre paysagiste originaire de Pestel, expose son art à proximité de la place Saint Pierre. Il a accepté de se livrer au Quotidien 509 sur son quotidien comme artiste et sur la réalité socioculturelle qui impacte sa carrière. Après vingt ans d’expérience dans le métier, il dit se sentir vivant que quand il peint des souvenirs, des sentiments de bien-être laissés derrière lui à la campagne. Une rivière, un arbre, un coucher du soleil. Dans son art, tout y est peint pour calquer avec une exactitude servile la nostalgie des couleurs perdues et tantôt retrouvées. En découvrant son œuvre, nous profitons d’une immersion dans un environnement idéal, loin du bourbier qui règne dans les zones à forte agglomération. Malgré les conditions difficiles auxquelles il fait face, il nous a témoigné de l’optimisme en disant :
“ tout sa ki te nan ou toujou la, kache on kote. Se pouw chache e metel deyò. Mwen se yon otodikdak ki pa satisfè de 20 lane karyèm, e ki fèbli nan maman an paske mwen pokò ka mete deyo tout sa ki anndan. Mwen vle fè plis efò men leu’m wè tablo mwen yo ap passe mizè bò lari a, paske pa gen moun ki entèresé a sa map fè a, sa fèm mal anpil. Nou goumen anpil kont dekourajman chat jou Bon Dye mete, paske nou gen responsabilite, men, sityasyon nou menm atis yo difisil anpil anpil. Se Bon Dye ki ap kenbe’n. On jou kanmenm la jou.”
Si Polyde garde quant bien même de l’espoir, Hercule quant à lui (Tiyato du nom d’artiste), est au bout du découragement. Lui qui pratique un art naïf, aborde dans son œuvre différents thèmes. Tiyato se dit fatigué mentalement par la crise socio-économique et politique qui affecte particulièrement son milieu. Il se dit fatigué par le manque d’accompagnement et de reconnaissance vis-à-vis de cette activité qu’il chérit tant et qu’après 24 ans de carrière, elle n’arrive pas à lui permettre de subvenir aux besoins de sa famille.
L’œuvre d’Hercule nous semble être vivante. Il n’hésite pas à peindre l’univers sous un angle reflétant le danger des incertitudes de la seconde d’après. Il peint également la nature et ses éléments. C’est surtout ses peintures abstraites qui retiennent le plus l’attention par le fait qu’ils sont une expression parfaite de notre culture sous sa forme naïve. Il nous affirme que son génie est parfois chevauché par des énergies créatives qui lui permettent de peindre des univers et des messages authentiques qui vont au-delà des simples interprétations. Cet aspect si particulier rend son art spirituel et mystérieux. Il a lui-même parlé de son travail en ces termes:
Lè map penn, mwen al chache jouk andedanm, nan sous enèji sa kap koule et ki metel an kontak avèk lanati. Mwen penn lajwa ak lanati paske se sa ki nan mwen. Poutan sa fè anpil tan mpaka penn. Gen twòp move nouvèl, twòp pwoblèm, twòp difikilte lavi. Aprè 24 lane mwen wè anpil frè ki abandone. Pa twò lontan nou te 41 atis ki tap ekspoze, kounya nou pa on douzèn. Poutan se yon aktivite lèw ladanl ou paka pa renmenl. Lew ap pratike l ou fèl ak tout ou menm. Mwen vrèman ta renmen gen yon amelyorasyon poum te ka kontinye viv pasyonm.”
Le Quotidien 509 à travers INTER-DIT, parle de ceux dont la voix est trop faible pour se faire entendre. Le sphère socioculturelle étant à l’agonie, secteur touristique étant inexistant, de quoi vivent nos artistes, peintres, sculpteurs, artisans.. . ? Et surtout, quelles actions, chers lecteurs, citoyens de ce pays, êtes vous disposés à mettre en œuvre pour inverser la tendance ?
NOUS SOMMES TOUS CONCERNÉS!
Marc Arthur PAUL