LETTRE OUVERTE AUX MEMBRES DU CONSEIL PRESIDENTIEL DE TRANSITION ET A CEUX DU GOUVERNEMENT DU DR GARRY CONILLE, PREMIER MINISTRE
Port-au-Prince, le 28 Juillet 2024 Mesdames, Messieurs, En ces temps sombres, caractérisés particulièrement par la violence aveugle des gangs armés, je me fais le devoir citoyen de m’adresser à vous avec une double préoccupation. Elle concerne d’une part, la lenteur manifeste dans la recherche de solution visant à adresser un ensemble de défis parmi lesquels, l’insécurité qui ronge le pays. De l’autre, vous laissez l’impression, à la population, qu’entre les deux branches composant le pouvoir Exécutif à savoir : le Conseil Présidentiel de Transition (CPT) et le Gouvernement les violons ne s’accordent pas. Pourtant vous avez pu, dans un temps record, mettre sur pied ce gouvernement composé de groupes d’horizons divers. Je vous félicite pour cette prouesse dont vous seuls, pour le moment, possédez le secret. On doit vous le concéder. Donc, au-delà de vos divergences, il faut prendre la mesure du fait qu’un plus grand intérêt puisse vous cimenter, en l’occurrence, Haïti. C’est là uniquement que réside le fait générateur de votre appartenance à une communauté de destin. En tant que responsable de groupement politique, je me dois d’exprimer encore plus mes inquiétudes face à la tournure que prend la crise depuis ces deux dernières semaines, particulièrement avec des allégations associant trois (3) Conseillers-Présidents à des actes de corruption. Ainsi, je déplore le silence du Palais National lequel, par le biais de l’actuel Président du Conseil, devrait instruire le service compétent pour une communication à la population au sujet d’un dossier de si grande importance. Car, il y va de la crédibilité non seulement des trois conseillers indexés, mais aussi de tout le CPT. Il n’est pas non plus indéniable de relever l’attitude de la Primature qui a aussi gardé mutisme coupable. Cela sous-entend qu’il n’y aurait aucune cellule de crise réunie dans une logique de dialogue et de concertation pour adresser le problème dans sa dimension reelle. Cela aurait le mérite d’éviter que le jugement et la condamnation de ces conseillers-Présidents se réalisent dans les medias et sur les réseaux sociaux sans tenir compte de leur droit découlant de la présomption d’innocence. Il est malheureux de constater que cela tend à devenir une coutume dans notre démocratie. Hier on condamnait ainsi Bouki et Jansòt, aujourd’hui: ces conseillers-présidents et l’on s’attend à ce que demain soit à coup sûr le tour de Timalice et Janlespri. On ne saurait construire un Etat de droit dans de telles conditions. Doit-on se demander s’il y a polarisation politique entre les deux ailes d’un même oiseau que représentent les deux branches de l’Exécutif? Ce qui s’apparente à une politique axée sur des procédés machiavéliques de part et d’autre où le pays en sortira perdant. En effet, cela ne fera qu’aggraver une situation déjà tendue et fragiliser d’avantage les institutions. Il faut mettre un terme à la théâtralisation du quotidien d’un pays aussi riche que le nôtre au point de perdre son statut de puissance historique. Hissez-vous donc à la hauteur de nos ancêtres qui ont fait Arcahaie et Vertières ! Mesdames, Messieurs, En vous adressant ainsi, j’entends, par ces critiques constructives et non en donneur de leçons, loin de moi telle prétention, mais je dois attirer votre attention sur le fait, que notre chère Haïti ne peut plus faire les frais d’une autre crise politique. Dans une atmosphère déjà fragilisée par de nombreux défis économiques et sécuritaires, il est primordial que vous fassiez réciproquement preuve de plus de sagesse politique et de responsabilité pour faciliter une meilleure cohésion nationale. Je sais que vous êtes arrivés au pouvoir dans un contexte de délabrement institutionnel où tout est à reconstruire. Vous ne devriez faire l’économie d’aucun effort pour sortir le pays du chaos dans lequel il se trouve. Cela, en livrant d’abord une lutte sans merci contre l’insécurité notamment, puis contre la corruption qui a toujours été un cancer dans la société et un frein au développement du pays. Cette lutte doit être menée sans considération aucune, d’appartenance politique, sociale ou économique. Je sais également que toute solution pour être durable, dans les conditions actuelles, doit être le fruit d’un véritable consensus pour le retour à la normalité institutionnelle par le biais d’organisation d’élections justes, transparentes et inclusives. Et cela ne peut dépendre de l’étranger, mais de vos capacités en tant qu’hommes et femmes d’Etat à transcender les clivages et de privilégier les intérêts nationaux. Mesdames, Messieurs, Nos compatriotes ont, aujourd’hui même, besoin de sécurité pour la libre circulation des personnes et des biens, de stabilité pour faciliter l’investissement étranger, pour la création d’emplois durables et de travail décent, de cohésion sociale et d’un plan d’action ambitieux pour un avenir prometteur pour toutes les filles et tous les fils du pays. Nous avons une jeunesse désorientée puisqu’à la recherche de repère et de référence. La conséquence directe de tout cela ou l’alternative, est la migration vers d’autres cieux prétendument plus cléments, et très souvent dans des conditions qui ne répondent pas à un déplacement profitable, ordonné et régulier. Vous ne devriez pas vous payer le luxe d’aggraver cette crise qui a déjà trop duré. Il est, en conséquence impératif que vous fassiez preuve de leadership afin de surmonter toutes vos divergences politiques pour le bien de la nation. De ce fait, vous devez trouver la voie du compromis et de la conciliation. C’est une responsabilité citoyenne en tant que filles et fils d’une mère portant encore les stigmates séculaires de l’humiliation et de la misère, et qui garde en dépit de tout, l’espoir de sortir de cette souffrance chronique qui la ronge. Convaincu que vous ferez preuve de volonté politique par des actions visant le développement d’une synergie éprouvée et de répondre sans délai aux attentes légitimes de la population, je vous prie d’agréer Mesdames, Messieurs, l’expression de ma haute considération. Walsonn Sanon Coordonnateur a.i. ANFOS pour Haïti