L’annulation du Carnaval national 2025 à Fort-Liberté, annoncée à seulement 15 jours de l’événement, suscite des questionnements majeurs sur la gestion des ressources publiques. Le budget initial de 536 millions de gourdes avait été révisé à la baisse, avec 170 millions spécifiquement alloués à Fort-Liberté. Cependant, cette décision tardive et le flou entourant les dépenses ont fait resurgir des souvenirs de l’époque de l’administration de Jovenel Moïse.
En 2019 et 2020, sous le gouvernement de Jovenel Moïse et avec Jean-Michel Lapin, Ministre de la Culture lors, une stratégie similaire avait été mise en place : organiser des carnavals régionaux tout en annulant l’événement principal. Cette approche se répète avec le Conseil Présidentiel de Transition (CPT), dirigé par Leslie Voltaire. Un sentiment de déjà-vu est renforcé par l’incertitude sur la gestion des fonds engagés. Jusqu’à présent, aucun audit n’a été fait au Ministère de la Culture sur l’utilisation ou la réaffectation des fonds destinés à ces carnavals nationaux convertis en carnavals régionaux.
Le Conseil Présidentiel de Transition justifie cette annulation par des raisons de sécurité, mais cette décision semble manquer de cohérence. Fort-Liberté, contrairement à d’autres régions du pays, est relativement épargnée par l’insécurité, et les festivités régionales sont maintenues. Pourquoi interdire un carnaval dans une ville qui ne présente pas les mêmes risques tout en permettant des activités quasi-similaires dans les régions ? La Police Nationale d’Haïti a-t-elle suffisamment de policiers pour couvrir les différentes régions qui auront quand même des activités culturelles ?
L’annulation du carnaval a aussi des conséquences économiques sur les acteurs locaux, comme les commerçants et les petites familles qui espéraient des revenus grâce à ces festivités. Certains ont même été faire des prêts à intérêts en espérant faire des profits. Ces pertes se superposent à une gestion discutable des fonds publics. Patrick Delatour, l’actuel ministre de la Culture, avait confirmé la somme de 170 millions de gourdes pour les festivités à Fort-Liberté. Toutefois, avec cette annulation, la question persiste : où sont passés ces fonds déjà alloués ? Et seront-ils réaffectés à d’autres priorités de manière transparente ?
Le Syndicat de la Police Nationale d’Haïti (SPNH-17) a salué l’annulation, estimant qu’elle permettrait de réorienter les fonds vers des actions sécuritaires. Cette réaffectation des ressources à la Police et à l’Armée, pour renforcer la lutte contre les gangs, est une proposition qui semble logique. Cependant, le manque de transparence sur l’utilisation des fonds publics reste un problème récurrent, qui rappelle les précédentes gestions chaotiques observées sous l’ère de Jovenel Moïse.
Le sentiment d’un gaspillage des ressources publiques, alimenté par l’absence de communication et de planification, ne fait qu’augmenter la frustration de la population. Une question demeure : « Kot kòb kanaval ? » Une fois de plus, les Haïtiens se retrouvent dans l’incertitude, sans aucune garantie que les fonds publics seront utilisés à bon escient.
La rédaction