Le monde artistique haïtien pleure la perte d’un de ses plus grands esprits. Frankétienne, géant de la littérature, de la peinture et du théâtre, nous a quittés ce 20 février 2025, à l’âge de 88 ans. Le 12 avril prochain, il aurait célébré ses 89 ans. Créateur infatigable, il laisse derrière lui un héritage culturel colossal, un cri d’humanité qui continuera à résonner bien au-delà de sa disparition.
Un artiste hors du commun
Né en 1936 à Ravine-Sèche, Jean-Pierre Basilic Dantor Franck Étienne d’Argent, plus connu sous le nom de Frankétienne, fut un artiste multidimensionnel et un penseur hors pair. Il est le dernier survivant des créateurs du mouvement spiralisme, il a marqué la littérature haïtienne et universelle par son style unique, vibrant et chaotique, traduisant la complexité du monde. Son œuvre, oscillant entre le français et le créole, a brisé les frontières et inspiré des générations.
Mais Frankétienne, c’était bien plus que des mots. Il était une voix, une présence, une force. Peintre, dramaturge, comédien, explorateur des âmes et des idées, il était en quête permanente de vérité, repoussant sans cesse les limites de l’art et de la pensée.
Un testament spirituel et littéraire
Quelques mots laissés par l’artiste témoignent de sa relation profonde avec l’existence et le divin :
“La Divine Miséricorde à travers Marie et ma fontaine d’existence… Je suis Christique par la Foi et la Conviction.”
Dans un message manuscrit chargé de spiritualité, Frankétienne se décrit comme « Jumelle », habité par une force intérieure qui l’accompagne dans un « voyage », selon une « mystérieuse programmation » où seule « la volonté de Dieu doit être faite et non la mienne ». Ses mots, d’une intensité rare, évoquent l’acceptation du destin, l’abandon à une transcendance et une vision presque mystique de son rôle d’artiste et d’homme.
Son dernier message : entre foi et destin
Frankétienne n’a cessé d’explorer les liens entre la vie et la mort, entre la création et le destin. Dans une ultime déclaration empreinte de mysticisme, il écrivait :
“Dieu m’a choisi : je suis LUI-MÊME. Ainsi j’ai commencé à RÊVER, je suis en flux interconnecté… Que LA VOLONTÉ DE DIEU SOIT FAITE et non la mienne, à l’ombre du CHRIST sous les brûlures de SA PASSION DOULOUREUSE !”
Ces mots résonnent comme le témoignage d’un homme qui voyait son existence comme une mission, un voyage dicté par un mystère supérieur.
Un héritage inestimable
Frankétienne laisse derrière lui une œuvre monumentale. Dézafi, premier roman haïtien entièrement écrit en créole, Ultravocal, Mûr à crever, Les Métamorphoses de l’oiseau schizophone… Autant d’écrits qui ont fait de lui un monument de la culture haïtienne et mondiale. Mais son legs ne s’arrête pas à la littérature. Son art pictural, son théâtre, ses performances, son engagement ont fait de lui un phare, un guide, une source intarissable d’inspiration.
Sa disparition marque la fin d’une ère, mais pas celle de son œuvre. Frankétienne ne meurt pas : il vibre dans chaque phrase, chaque toile, chaque souffle de liberté qui anime Haïti.
En ces moments de deuil, Le Quotidien 509 adresse ses plus sincères condoléances à sa famille, notamment Madame Marie Andrée Étienne, ainsi qu’à tous ceux et celles qui ont été marqués par son génie.
Que son cri d’éternité continue de nous guider.
Frankétienne est parti, mais il ne cessera jamais d’exister.
La rédaction