Récemment, la France a intensifié sa coopération avec Haïti en formant des soldats haïtiens sur son territoire d’outre-mer de la Martinique. Cette initiative, annoncée par les autorités haïtiennes et l’ambassadeur de France en Haïti, Antoine Michon, s’inscrit dans un programme visant à renforcer les Forces Armées d’Haïti (FAD’H). Pourtant, cette collaboration suscite de nombreuses interrogations et ravive les débats historiques sur les relations entre Haïti et son ancien colonisateur.
Le Ministre de la Défense Jean Michel Moïse a fait l’éloge de cette coopération sur X.
“J’apprécie vivement le soutien de la France et de son ambassadeur Antoine Michon dans la reconstruction de notre armée. La France fournit une formation précieuse à nos troupes. Une autre cohorte de soldats est partie ce matin pour la Martinique afin d’y suivre une formation.”
L’ambassadeur Michon a répondu :
“Merci M. le ministre.
Très heureux que cette coopération militaire entre les Forces armées aux Antilles et les #FADH se poursuive.
La France soutient la montée en puissance des FAD’H qui sont indispensables dans la politique de rétablissement de la sécurité en Haïti.”
Une Aide Précieuse ou une Incohérence Historique ?
D’un point de vue pragmatique, cette formation militaire représente une opportunité pour Haïti. Depuis la réactivation des FAD’H en 2017, le pays peine à structurer une force militaire capable de répondre aux enjeux de sécurité et de défense nationale, n’ayant pas reçu la bénédiction de certains pays de la communauté internationale notamment de la France, du Canada et des Etats-Unis d’Amérique. Aujourd’hui, la France, avec son expérience militaire et ses infrastructures, offre un encadrement et des ressources que Haïti ne possède pas.
Cependant, le passé ne peut être ignoré. Haïti est le premier pays noir à avoir brisé ses chaînes coloniales en défiant l’une des plus puissantes armées du monde : celle de Napoléon. Cette victoire historique a permis l’émancipation de millions d’esclaves et a fait d’Haïti un symbole de liberté. Aujourd’hui, voir des soldats haïtiens formés par des officiers français sur des territoires toujours sous domination française soulève une question fondamentale : Haïti tourne-t-elle la page de son histoire ou la renie-t-elle ?
Une Coopération Qui Interroge
La France a déclaré avoir débloqué en 2024 au moins 43 millions d’euros pour soutenir la sécurité en Haïti, l’humanitaire, l’éducation et la culture, une somme importante dans un contexte de crise qui perdure. Mais cette même France évite d’aborder la question des réparations historiques et la dette de l’indépendance imposée à Haïti au XIXe siècle. Comment comprendre que l’ancienne métropole, dont le président Emmanuel Macron a récemment qualifié les dirigeants haïtiens de “complètement cons” pour avoir limogé l’ex-premier ministre Garry Conille , soit aujourd’hui celle qui forme les militaires haïtiens ? Cette contradiction alimente le scepticisme d’une partie de la population.
Une première cohorte, composée de vingt-cinq militaires, avait suivi une formation intensive en Martinique du 4 au 15 novembre 2024. Une nouvelle a laissé Haiti ce 22 février.
Vers une Armée Haïtienne Souveraine ?
Cependant, parallèlement à cette formation, Haïti doit élaborer une véritable stratégie de souveraineté militaire. Il est indispensable que cette armée ne devienne pas un instrument sous influence étrangère, mais bien une force nationale au service des intérêts haïtiens.
Le débat reste ouvert : cette coopération est-elle une simple nécessité dans un contexte de crise ou une honte historique ?
De plus, des observateurs se demandent s’il s’agit d’une stratégie de la France pour avoir une certaine main-mise sur l’armée d’Haïti car les Américains et les Canadiens sont réputés avoir déjà le contrôle de la Police nationale (PNH).
Dans tous les cas, il appartient aux dirigeants haïtiens de définir une vision claire pour que cette armée ne soit pas un simple rouage d’une dépendance continue, mais un outil de réaffirmation nationale.
La rédaction