Sécurité
20. Les conditions de sécurité ont continué de se dégrader à Port-au-Prince. La violence des gangs s’est propagée de la capitale aux différents départements du pays, les gangs ayant pris pour cible la commune de Ganthier (département de l’Ouest) située le long de la route nationale 8 menant à la République dominicaine. Dans les communes de Cabaret et de l’Arcahaie (département de l’Ouest), situées au nord de Port-au-Prince, les gangs ont attaqué des personnes, des résidences privées et des infrastructures publiques, notamment la prison pour femmes de Cabaret, qu’ils ont démolie alors que celle-ci avait déjà été incendiée par des gangs. Pendant ce temps, à l’extrémité sud de la capitale, dans les communes voisines de Carrefour, de Gressier, de Petit-Goâve et de Léogane, les gangs ont pris le contrôle des principales routes d’accès à Port-au-Prince.
Dans le département de l’Artibonite, où la police est très peu présente, la violence des gangs s’est intensifiée (attaques mortelles, incendies criminels de maisons et de fermes, barrages routiers et enlèvements, entre autres), entraînant de nombreux affrontements entre les groupes d’autodéfense et les gangs. Selon la police, certains membres de gangs de Port-au-Prince se sont réinstallés dans les départements du Sud-Est, du Sud et de la Grande-Anse. Face à cette expansion, le Gouvernement a déclaré, le 17 juillet, l’état d’urgence sécuritaire, qui a d’abord été appliqué dans 14 communes des départements de l’Ouest et de l’Artibonite, puis étendu à tout le pays le 3 septembre pour une durée de 30 jours.
21. Les attaques perpétrées dans les communes de Ganthier et de Gressier (département de l’Ouest) témoignent de la détermination des gangs à établir des bases arrière et à étendre leur influence dans des zones reculées où les forces de sécurité sont peu présentes, ce qui est le cas des deux communes, en particulier depuis la destruction de leur poste de police. Les multiples affrontements avec la police n’ont pas empêché les gangs d’envahir Gressier et d’y ériger un grand nombre de barrages. À Ganthier, l’autorité de l’État a continué d’être sapée par un gang dont l’influence s’est étendue de la Croix-des-Bouquets (département de l’Ouest) à la République dominicaine, ce qui a par ailleurs contraint des milliers d’habitants à fuir Gressier et Ganthier pour se mettre à l’abri.
22. De plus en plus présents sur les principales routes d’accès et périphériques, les gangs sont à même de tirer des revenus illicites (au moyen de péages illégaux et de l’extorsion de voyageurs, par exemple) et de se livrer à la contrebande, ce qui leur permet de réaliser d’importants profits. Au vu du fait qu’ils détiennent des armes lourdes et que les saisies de drogue effectuées par la police ont augmenté dans divers départements, il est probable que les gangs soient affiliés à des réseaux transnationaux de criminalité organisée dans l’ensemble de la région des Caraïbes et d’Amérique latine.
23. Dans la zone métropolitaine de la capitale, les gangs ont intensifié leurs attaques dans certains quartiers présentant un intérêt stratégique afin d’étendre leur contrôle sur la ville. Face à cette situation, avec le soutien des forces armées d’Haïti et de la Mission multinationale d’appui à la sécurité, la Police nationale a lancé des opérations antigangs de grande envergure dans les quartiers de Solino, de Fort National, de La Saline, de Delmas et de la Croix-des-Bouquets, mais peine toujours à garder le contrôle de ces zones en raison du manque de personnel et de ressources.
24. Entre juin et août 2024, le BINUH a enregistré 1 441 victimes d’homicides volontaires, dont 119 femmes, 12 filles et 27 garçons, contre 1 033 au cours de la même période l’année précédente. Le nombre de victimes d’enlèvements est passé à 443, dont 161 femmes, 5 filles et 10 garçons, contre 137 au cours de la même période l’année précédente. Les principaux auteurs restent des membres de gangs opérant dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince et dans le département de l’Artibonite. Toujours entre juin et août 2024, des groupes d’autodéfense ont tué au moins 105 membres présumés de gangs.
25. Au 5 octobre, environ 400 policiers kenyans, 4 policiers béliziens et 20 militaires jamaïcains étaient déployés en Haïti dans le cadre de la Mission multinationale d’appui à la sécurité. Bien que la Mission ait reçu un appui bilatéral pour les activités logistiques et le matériel et que le fonds d’affectation spéciale pour la Mission ait reçu 85 millions de dollars, le montant que le Kenya (pays pilote de la Mission) avait estimé nécessaire n’a pas été atteint. Des efforts sont en cours pour renforcer la coordination entre les Nations Unies et la Mission sur les plans technique et opérationnel. Un mécanisme a été mis en place en septembre pour permettre au BINUH, à la Police nationale et à la Mission de coordonner les activités de police.