Le massacre survenu les 6 et 7 décembre 2024 à Wharf Jérémie (Cité Soleil), où plus d’une centaine de personnes ont perdu la vie, met en lumière le rôle profond et parfois ambigu des croyances mystiques dans l’insécurité en Haïti. L’auteur de cette tragédie, Micanor Altès, alias Wa Mikanò, aurait agi sous l’influence de visions mystiques. Selon les informations, il aurait reçu en rêve une révélation accusant des personnes âgées de son quartier d’être responsables de la mort de son enfant, une conviction qui l’a conduit à une vengeance sanglante.
Les gangs et leur foi dans le mysticisme
Des chefs de gang comme Vitelhomme Innocent, Lanmò Sanjou, et ceux de la coalition Viv Ansanm s’appuient parfois sur des croyances mystiques pour légitimer leurs actes et inspirer la crainte. Ils se présentent parfois comme des houngans ou « envoyés » et revendiquent des protections surnaturelles grâce à des objets mystiques tels que les pwen( une sorte de bouclier invisible) supposés les rendre invulnérables aux cartouches, aux balles perdues ou à la mort.
Ces pratiques s’accompagnent d’actes macabres, mystérieux au relent d’initiés, tels le refus de remettre les corps de policiers tués ou encore la mutilation de ces derniers, des actes souvent motivés par des rites spirituels et rituels maléfiques.
Une arme psychologique puissante
Le mysticisme, profondément ancré dans la culture haïtienne, est utilisé comme une arme psychologique par les gangs. Ces croyances renforcent la banalisation de la vie, leur sentiment d’impunité et leur capacité à maintenir un contrôle absolu sur leurs membres et leurs territoires.
Malgré les sanctions internationales imposées par l’ONU à certains chefs de gang, ces mesures semblent avoir peu d’impact sur leur foi dans ces protections mystiques et attisent parfois leur méchanceté et leur volonté de punir.
Le rôle des acteurs mystiques
Des prétendants houngans et bocors (sorciers) jouent un rôle central dans cette dynamique, en fournissant des services de protection non seulement aux chefs de gang, mais aussi à certains autres membres de toutes les classes sociales en quête de potions, mots de passe ou des couvertures protectrices. Ces dirigeants de sectes pourtant différents des acteurs de la religion Vodou reconnue comme telle, s’inscrivent dans une sorte de déviance qui induit dans la confusion entre spiritualité et criminalité. Voilà qui pose un défi majeur aux directeurs de conscience et conséquemment aux autorités judiciaires, car ces acteurs bénéficient souvent d’une impunité protégée par la foi collective. Et la double crainte de leurs pouvoirs spirituels et temporels.
Un défi pour l’éducation et la justice
Le massacre de Wharf Jérémie, rappelant bizarrement la croisade de persécution REJETÉS, illustre la nécessité urgente de renforcer l’éducation en Haïti afin de promouvoir une pensée critique capable de contrer l’influence de ces croyances destructrices.
L’équilibre même de la société est menacé par l’exploitation inappropriée de ces croyances mystiques, qui perpétuent la violence et freinent les efforts pour rétablir l’État de droit.
Aujourd’hui, les centaines de personnes décédées selon les confirmations de l’Etat Haïtien ne sont pas uniquement des victimes de l’insécurité, mais davantage par rapport à la croyance mystique mal gérée d’un chef de gangs qui a vu en songe que son enfant a été “mangé” par les personnes âgées du Wharf Jérémie.
Le Quotidien 509 en appelle à une réflexion nationale sur la régulation des pratiques mystiques lorsqu’elles contribuent à des actes criminels. Peut-on soumettre ces pratiques à des mécanismes de contrôle judiciaire sans s’attaquer aux fondements mêmes de la culture haïtienne ? La question reste ouverte, mais elle est cruciale pour l’avenir du pays.
La rédaction