INSERTION DEMANDEE
ALLOCUTION DE ME JEAN-HENRY CEANT
PREMIER MINISTRE HAITI – 2018 2019
25ÈME CONFERENCE ICCJW – INDE 2024
GOUVERNANCE MONDIALE OU GOUVERNANCE GLOBALE
La gouvernance mondiale, concept d’usage courant mais objet d’interrogations. Elle est cette gouvernance que nous sommes en train d’expérimenter, malgré la dichotomie entre gouvernance mondiale, l’expérimentation, et gouvernance globale, un stade amélioré. Elle charrie une longue histoire de l’humanité dominée par les divisions sociales, les guerres mondiales, maux que les progrès techniques et technologiques n’ont su ni pu neutraliser. Il est curieux de se rendre compte que gouvernance globale (global governance) est la traduction anglaise du terme gouvernance mondiale.
Aujourd’hui, que nous réserve la gouvernance mondiale, quand on la sait disposer de l’arme nucléaire qui constitue l’épouvantail suprême dans le jeu d’équilibre ? Voilà pourquoi elle porte également en elle le grand idéal de quête de paix et les exigences d’une redéfinition globale impliquant le dialogue inclusif, la recherche de la stabilité et de la solidarité à l’échelle planétaire.
Au terme d’un bilan de près de deux siècles, que constatons-nous ?
1. Deux guerres mondiales d’où se dégagent des puissances politiques établissant leur hégémonie par les armes perfectionnées et la mise en place, à travers certains accords, d’institutions de domination économique et financière.
2. La division bipolaire du monde mettant aux prises deux blocs en confrontations idéologiques entraînant des luttes de pouvoir à tous les niveaux.
Cette approche, modulée par le poids des alliances et de la force,a débouché sur des rivalités tant dans la vision que dans la production à outrance des biens pour l’approvisionnement et la domination. Voilà ce qui permettra de définir les règles et les orientations. D’importants et notoires changements au niveau des sciences et techniques seront signalés et orientés spécifiquement vers l’Economique. Un très lourd parcours qui débouche sur des enjeux de compétition et des luttes pour l’appropriation des richesses mondiales.
Mais qu’en est-il du bien-être de l’homme, des sociétés et de l’humanité dans son ensemble ?
S’il y a des principes de gouvernance mondiale inscrits dans les chartes des Organisations internationales, le bilan de l’état du monde offre des réalités peu enclines à la paix et la fraternité. Derrière les mots et les vœux, c’est le prolongement du désastre au niveau du capital humain.
Malgré le narratif construit sur la recherche du bonheur comme toile de fond, l’espace se creuse, faisant place large à la pauvreté, la discrimination, la haine et les guerres larvées, entretenues.
Bref, l’Avoir prend le pas sur l’Être, l’Economique sur le Social. La quête de la Paix se confond avec celle de l’Avoir. Voyons les choses en face ? C’est le règne de l’Avoir et la course à la richesse effrénée. Les richesses individuelles s’accumulent démesurément et dans l’indécence parfois sur la tête d’une personne qui, à elle seule, peut entretenir tout un peuple honni par la misère tandis que s’approfondit la pauvreté. Mais, jusqu’où ira le recul de l’Être ?
La gouvernance globale ne saurait être un concept de plus dans la panoplie des principes appelés à prolonger la route tournant dos à l’Être et à ses exigences de solidarité et de bien-être pour tous. Les armes salutaires de la solidarité, de la fraternité et de la dignité, après avoir tout vu de la violence des choses, de l’exploitation et de la discrimination, ne traceront-elles pas la nouvelle route de la civilisation de l’humain ?
Comment ne pas signaler la place et la montée du faire-semblant et du mensonge dans les relations entre Etats, entre Institutions internationales et Pouvoirs ? Voyons un peu. Prenons le sous-développement et ses critères de définition : chômage, analphabétisme, endettement, taux de natalité élevé, etc. Il y a : pays riches, pays industrialisés, pays en voie de développement, pays sous-développés et pays du quart-monde. Soyons sérieux.Les mots font plus que mentir. Ils établissent des frontières, creusent les distances entre les peuples, entre les êtres humains.
Oui, nous réclamons l’usage d’une nouvelle langue : celle de la vérité, celle de la fraternité – à édifier, à construire et à constitutionnaliser. Celle que nous dicte l’Art 51 de la Constitution de l’Inde. La gouvernance mondiale responsable, c’est la voie que tracent les pas de l’humaine condition pour affirmer le choix irréversible de l’Être face à la dérive chosifiante. Dépassement et dialogue doivent guider la voie. Les conflits de suprématie ne sauraient continuer à orienter les sociétés à la surface de la planète. C’est le temps de la convocation et de la lutte pour le triomphe de l’Être. Ce combat, il est en nous. Nous le portons.
La gouvernance globale, l’objectif final, parait utopique puisque la motivation est axée sur la quête de l’Homme vers la paix, l’inclusion, la stabilité, la solidarité entre les Humains. À ce compte, elle garantirait le bien-être minimum à tous, sans préjugé de localisation géographique, de couleur, de genre, de classe ou de caste.
Oui, au regard de la morale, au regard de l’éthique, nous devons partir à la rencontre de l’Autre, des autres. La civilisation, c’est nous, sans exclusive. S’engager à emprunter une nouvelle route traduit l’expression d’une prise de conscience et l’affirmation de nouvelles valeurs favorisant les relations positives, fraternelles et solidaires entre les hommes et les sociétés dans le monde.
D’emblée, nous levons la marche vers les instances et institutions en charge de la gouvernance mondiale, car elles ne viendront pas à nous. À nous de les convertir. Nous, armés de la non-violence et prêts pour l’ultime combat de restructuration des organismes, des institutions en charge de la gouvernance mondiale. Les pôles de la dialectique ont réconcilié l’Être et l’Avoir, dans le sens où celui-ci est au service de celui-là. Les frontières abolies entre nous, nous invitent à engager le dialogue entre frères et sœurs de l’humaine condition.
Le changement de paradigme, à travers le dialogue et le dépassement, doit se trouver au cœur de la nouvelle langue d’union où désormais les problèmes se posent, se discutent et trouvent de bonnes et communes solutions. Le capital humain doit toujours prévaloir. Ainsi s’articule le processus de redéfinition des institutions nationales et internationales, non plus attachées à gérer le désastre par la reproduction d’actes d’exclusion et de discrimination en opposition aux intérêts de l’humanité. Que l’Être investisse les citadelles de l’Avoir ! Le devoir de solidarité s’impose à nous Citoyennes et Citoyens de la planète.
Une fois le choix de la fraternité fait, de nouvelles Institutions ne tarderont pas à se constituer ; engagées à promouvoir l’Être social de l’humanité et à servir les intérêts communs de tous les membres de la société. Agissons et allons vers l’Autre, vers les autres. Sinon, il y a grand risque que les propositions de sortie de crises ne portent en elles des menaces et des dangers planétaires plus tragiques que les maux à combattre.
Notre temps est celui de l’Humain, celui de l’avènement de l’ère nouvelle de la gouvernance supportée par la positive utilisation de l’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE, consacrée à l’unité de l’espèce humaine et de l’individu, à leur épanouissement, dans l’égalité et la paix sociale.
23 octobre 2024
Me Jean-Henry CEANT
Premier Ministre Haiti 2018-2019
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