Le récent communiqué de l’ambassade des États-Unis a révélé un chiffre frappant : les gangs en Haïti ne représenteraient que 0,1 % de la population, soit environ 12 395 individus pour une population estimée à 12 394 537 habitants en 2024 selon les projections de l’IHSI. Cependant, cette estimation, bien qu’impressionnante, soulève des interrogations cruciales sur la capacité de la Police Nationale d’Haïti (PNH) à contrer cette menace.
Comparaison des effectifs
Selon les données disponibles :
• PNH : En juin 2023, la PNH comptait 14 295 agents, dont seulement 10 000 actifs dans des tâches policières et 3 300 en opération sur le terrain à un moment donné; sans compter le nombre incalculable de policiers qui ont laissé le pays dans le programme Humanitarian Parole (programme Biden).
• Gangs : Le nombre estimé des membres actifs des gangs à 12 394 pourrait surpasser les effectifs réellement disponibles de la PNH sur le terrain, ce qui donne un avantage numérique aux gangs dans certaines zones.
Les ressources allouées : plus d’un milliard 1/2 investis en 3 ans
Depuis 2022, des contributions importantes ont été versées pour renforcer la sécurité en Haïti :
- États-Unis : 300 millions USD en aides sécuritaires pour 2024. Sans compter les programmes de l’USAID.
- Canada : 400 millions CAD, incluant un fonds pour la Mission Multinationale de Soutien à la Sécurité (MSS).
- ONU : Plus de 87 millions USD pour soutenir les forces locales et les opérations internationales.
- France : plus de 2 millions d’Euros, formations en français et en créole pour les Kenyans et les soldats de la mission en Haïti; formation pour la PNH et des militaires, voitures, motos, panneaux solaires, etc remis à la police.
- Taiwan : une estimation autour de 1,5 millions de dollars pour des gilets et autres équipements pour la PNH.
- République Dominicaine : accompagnement au niveau de la santé pour les policiers de la MMS blessés lors des missions sur le terrain.
- Programme d’appui à la Police Nationale (juin 2022-Mars 2024) piloté par le PNUD : montant disponible 14,2 millions sur un budget de 28 millions.
Total estimé (2022-2024) : Plus de 1 milliard et demi USD en financement déclaré pour la sécurité en Haïti.
Malgré ces montants et donations, non gérés par Haïti, les résultats sur le terrain restent critiques, en grande partie à cause du manque de transparence, de coordination, de la faiblesse structurelle des institutions haïtiennes, d’absence de vision réelle, de leadership et d’exigence des autorités.
Quid de ces montants? ont-ils été réellement décaissés ? Y a t’il lieu de parler d’audit ?
Gestion et contrôle des fonds
Les montants sont principalement administrés par des ONGS, des organisations internationales telles, par exemple, l’ONU, Global Affairs Canada et les départements américains de la Défense et de la Sécurité. Cependant, une partie des fonds est directement attribuée à des projets spécifiques, comme :
• L’achat d’équipements pour la PNH.
• La formation des contingents de la MSS et de la PNH.
• Les infrastructures logistiques et médicales pour les missions de maintien de la paix.
Ce que cela signifie pour Haïti ?
L’analyse des chiffres soulève des inquiétudes sur la capacité de la PNH à affronter efficacement les gangs :
- Ratio insuffisant : Avec un ratio de 1,17 policier pour 1 000 habitants, la PNH est bien en dessous de la norme internationale (2,2 pour 1 000).
- Ressources limitées : Seuls 3 300 policiers sont déployés simultanément, face à des gangs souvent mieux armés et organisés.
- FADH : moins de 2000 soldats. Une force sous-équipée et non acceptée par les pays donateurs.
Analyse et perspectives
1. Disproportion des forces
Les gangs, bien que représentant une faible proportion de la population (0,1%), possèdent un pouvoir de nuisance disproportionné. Leur cohésion, leur supériorité en armement et leur organisation en réseaux complexes surpassent souvent les capacités opérationnelles de la PNH.
2. Défis structurels
Les faibles ratios policiers, les infrastructures inadéquates et les délais d’intervention prolongés réduisent l’efficacité de la PNH. En outre, la corruption au sein des institutions affaiblit davantage la lutte contre la criminalité (vente d’armes, munitions et équipements, fuites d’informations, … ).
3. Ressources financières mal exploitées
Malgré les financements significatifs des partenaires internationaux, l’impact sur le terrain reste limité. L’absence de transparence et de coordination aggrave les lacunes dans l’exécution des programmes de sécurité.
4. Stratégies à revoir
La stratégie tant la tactique actuelles, axées sur des interventions ponctuelles et un financement fragmenté, se révèlent inadéquates face à l’ampleur du problème. Une réforme structurelle de la PNH, une meilleure gestion des ressources et une approche coordonnée avec les partenaires internationaux sont essentielles pour mater les bandits dans leurs œuvres.
Conclusion
Avec seulement 0,1 % de la population affiliée à des gangs, le problème peut sembler gérable sur le papier. Cependant, les chiffres seuls ne racontent pas toute l’histoire. Le déséquilibre entre les capacités des forces de sécurité et la puissance des gangs, amplifié par des problèmes de gouvernance et de gestion, complique la lutte contre l’insécurité.
Pour espérer des progrès significatifs, Haïti doit non seulement optimiser l’utilisation des ressources financières et humaines, rendre opérationnel le service national d’intelligence, mais aussi et surtout restaurer la confiance de la population dans ses institutions. La coopération internationale, bien qu’indispensable, ne peut remplacer une volonté politique nationale forte, une gestion efficace des crises et la détermination des citoyens à faire face aux différents fléaux.
La rédaction
Cet article a été rédigé à partir des données disponibles sur le site de l’ONU, des Affaires mondiales Canada, de l’ambassade américaine, France, et des comptes de la Présidence d’Haiti et de la PNH. Des recommandations ont été produites par des analystes en sécurité publique.