Réponse à Montana : la Bible “Accord du 3 Avril 2024” a été profanée
Le Bureau de Suivi de l’Accord (BSA) critique sévèrement le Conseil Présidentiel de Transition (CPT) dans une correspondance adressée au nouveau Premier ministre Didier Fils-Aimé datée du 30 novembre 2024. Laquelle, signée cette fois par Magalie Comeau Denis, Ted Saint-Dic et Ernst Mathurin, accuse le CPT d’avoir trahi l’Accord du 3 avril 2024.
Pourtant, cette dénonciation qui revient, soulève une question fondamentale : que veut réellement Montana ?
Le Bureau de Suivi de l’Accord (BSA) insiste, à cor et à cri, sur le contenu de l’Accord du 3 avril 2024 demeuré lettre morte mieux un “res inter allios” puisque non publié dans le journal “Le Moniteur”. En plus de son caractère resté privé ledit Accord n’a même pas été respecté par les parties prenantes, les seules liées à ses stipulations. Elles ont toutes transgressé les missions et obligations imposées dans ce document, jusqu’à celles du décret atypique, de l’otage utile Ariel Henry, créant, sous forte pression des acteurs tant nationaux qu’internationaux, le Conseil Président Transition ( CPT ). Des transgressions multiples, notamment en ce qui concerne les impératives conditions d’accès à la fonction “CPTISTE” et la vérification des pièces exigées par la constitution haïtienne pour être Président.
Aucune commission n’a été créée en ce sens ni aucun rapport soumis pour établir les qualités et capacités de nos “Présidents”. Ne dit-on pas que Laurent St-Cyr est détenteur d’un passeport Canadien? Lesly Voltaire, Fritz Jean, Régine Abraham et Smith Augustin ont-ils eu décharge de leurs fonctions avant de briguer la fonction présidentielle? N’avait-on pas des doutes sur des passeports américains et canadiens de Garry Conille et même Dominique Dupuy et d’autres ministres de l’ancien gouvernement. On pourrait à l’infini se poser des questions…
Intelligemment et en violation de l’esprit tant de l’Accord que du décret du 12 Avril 2024, les membres du Conseil Présidentiel de Transition (CPT), une fois investis, se sont, en Conseil des Ministres, collectivement soumis à un régime différent de l’accord, celui décrit par le décret du 23 mai publié dans le Moniteur du 27 Mai. Une malicieuse solidarité que les parties prenantes auront cautionnée par leur silence complice et intéressé. Elles ne se retireront jamais officiellement de la structure exceptionnelle de gouvernance élaborée par ledit décret qui a pourtant fait sauter, très tôt, tous les verrous consensuels de la Transition.
L’accord du 3 Avril 2024, un document signé entre les membres du CPT et les parties prenantes à l’exception de Laurent Saint-Cyr, a été mis en veilleuse depuis le jour où l’Accord de Montana avait dénoncé la désignation anticipée de Fritz Bélisaire comme Premier Ministre, nominé selon le quorum consigné dans ce document sous-seing privé.
“Montana” et alliés, en désespoir de cause, ont rapidement mené les négociations pour obtenir un autre quorum au sein du CPT et en ont profité pour subtiliser astucieusement au naïf Edgard Leblanc un temps de gouvernance par la parcellisation du temps présidentiel dans la formule opportuniste et étriquée dite de présidence tournante et de majorité de blocage.
Avec une présidence tournante et un quorum 5/7, l’essence du pacte de confiance, d’éthique, et d’intégrité contenu dans ce fameux Accord du 3 Avril a été violée par ses propres signataires. À malin malin et demi, l’Accord du 3 avril, sera depuis lors considéré comme caduc et se révélera inapplicable même entre ses géniteurs.
Aussi, les véritables documents engageant le CPT envers les tiers et la Communauté Internationale seront-ils le décret du 23 mai organisant le CPT et la déclaration de Caricom du 11 Mars qui a, hélas!, donné naissance à la structure indissociable, irrévocable mais devenue surtout indépendante : Le CPT.
Doit-on penser aujourd’hui que Montana veut revenir en arrière avec le quorum 4/7 et un seul président tel que conçu dans sa stratégie initiale de la prise du pouvoir? Alors, qui sera le président pour Montana et alliés: Leslie Voltaire ou Fritz Jean? S’agira-t-il de Laurent Saint-Cyr qui pourtant n’avait pas signé l’accord? Il faut reconnaître qu’en politique la tactique rattrape toujours les mauvaises stratégies. Selon la chaise tournante présidentielle St-Cyr aura à organiser les élections. A quel accord fera-t’il référence? La déclaration de Caricom ou l’accord du 3 Avril qu’il n’a pas signé? Ou, devra-t-on, enfin, donné la préséance au décret du 23 Mai organisant le CPT publié dans le journal le moniteur du 27 Mai?
Après la lecture du dernier texte du BSA amputé, il est bon de relever les contradictions de Montana.
1.Participation au CPT : Malgré ses critiques virulentes, Montana a permis à son représentant Fritz Alphonse Jean de siéger au CPT et de participer à la formation du gouvernement. Cela met bien en évidence une ambiguïté entre dénonciation et collaboration.
2. Malgré le scandale de corruption affectant l’image de la transition, et ses critiques acerbes sur l’utilisation de l’argent de l’Intelligence, Montana n’a jamais jugé opportun d’écrire au moins une lettre de rappel de M. Jean. Ce qui est différent pour le Collectif 30 janvier vis à vis de Edgar Leblanc, et d’autres structures.
3. Manque de cohérence : Alors que le BSA rejette le CPT comme illégitime, il demeure pourtant activement engagé dans des discussions sur la transition, créant une perception discours à double vitesse. Des membres du BSA se positionnent comme Conseiller, Secrétaire général, Directeur général ou diplomate. De quoi parle réellement l’équipe de Montana qui n’a pas le courage d’abandonner ses avantages? Ils soufflent à la fois le chaud et le froid. Peut-on être dans l’opposition tout en étant à l’intérieur et bien ancré dans la transition avec des multiples chapeaux?
Le BSA semble divisé entre un rejet total de l’ordre actuel et une volonté de peser dans les décisions politiques de la gouvernance. Cette position affaiblit sa crédibilité, ternit sa réputation et pose des doutes sur sa capacité à unir le reliquat des organisations la composant actuellement autour d’une véritable alternative nationale.
Si Montana croit pouvoir encore faire peau neuve et proposer une nouvelle solution à la crise haïtienne, il doit rester cohérent, clarifier ses objectifs et cesser de jouer sur plusieurs fronts. La refonte politique qu’il appelle de ses vœux exige une certaine rigueur et un engagement sans ambiguïté, sous peine de devenir un acteur périphérique jouant avec les dés dans une transition déjà fragilisée.
Aujourd’hui, Montana se trouve à un carrefour : continuer à dénoncer ou pleinement s’investir sans arrogance ni exclusive pour redorer son blason, reconquérir sa crédibilité et reconstruire le socle d’une transition de rupture acceptable.
Dans tous les cas, sa crédibilité dépendra de sa capacité à dépasser les contradictions internes, à transcender les clivages et à proposer des actions concrètes inscrites dans le concert priorisant les intérêts de la collectivité. Haiti le mérite et dans l’union nous aurons ensemble la force de la sauver.
Osner Paul
Citoyen engagé
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