Le CPT, conçu comme un instrument de compromis sous pression internationale avec des acteurs locaux, a une mission délicate en dehors de la feuille de route de la déclaration de la Caricom : trouver un équilibre entre les exigences extérieures et les aspirations locales. Le CPT doit donc transcender les clivages partisans et agir comme des architectes de consensus, en plaçant l’intérêt national au-dessus des calculs politiques pouvant le fragiliser davantage.
Haïti a plus que jamais besoin de leaders capables de prendre des décisions difficiles, même au risque de leur popularité immédiate. Ces décisions incluent la réforme des institutions, la restructuration de la sécurité publique et l’organisation d’élections transparentes. Cela exige une vision d’État claire et des sacrifices personnels de la part des dirigeants.
“Nous allons travailler au rétablissement du climat sécuritaire. Nous organiserons la réforme constitutionnelle ainsi que des élections générales. Nous travaillerons à la restauration de la justice et de l’Etat de droits et enfin, nous prendrons des mesures de redressement institutionnel et économique. »
C’est la représentante du REN (Regroupement pour une Entente Nationale) qui, au nom de ses pairs, avait présenté les 5 grands chantiers de la transition lors de la cérémonie d’investiture du CPT le 25 Avril 2024.
Neuf (9) mois plus tard, le CPT est toujours maigre en résultat.
- Rétablissement du climat sécuritaire : Les chiffres liés à l’insécurité témoignent, au contraire, d’une détérioration continue. Plus de 5 000 meurtres ont été signalés cette année selon les Nations Unies. Les massacres comme celui de Pont Sondé, du Wharf de Jérémie montrent à quel point la violence des gangs paralyse la société, rendant toutes perspectives de stabilisation extrêmement sombres et difficiles. Malgré les efforts annoncés, le CPT peine à rassurer une population qui se sent abandonnée. Le Drame à l’hôpital général ayant entraîné la mort de deux journalistes et un policier ainsi que plusieurs blessés montre que les 9 présidents du pays sont encore très loin de leur promesse.
- Réforme constitutionnelle : La Conférence nationale sur la réforme constitutionnelle semble déconnectée des réalités et des aspirations citoyennes. Aucun mécanisme clair de consultation publique n’a été mis en place, et l’opinion publique craint qu’un document préparé dans l’ombre soit imposé sans véritable débat. Cette situation alimente une méfiance généralisée envers ce projet pourtant crucial.
- Elections Générales : Le Conseil électoral de neuf membres a été finalement complété en dehors des prescrits constitutionnels formels . Plusieurs secteurs, dont celui des droits humains, dénoncent une sélection biaisée des membres. Jean Gédéon du secteur des droits humains s’est vu refuser la candidature par le CPT en dehors, apparemment, des désidératas des secteurs majoritaires. Les membres des secteurs Femme et Vodou sont aussi frustrés. Ils ont contesté les décisions du CPT relatives à ces structures. L’insécurité ambiante et le manque de confiance dans ce processus risquent de compromettre l’organisation des élections annoncées pour 2025.
- Restauration de la justice et de l’Etat de droit: Le système judiciaire haïtien est au bord de l’effondrement. Plus de 5 000 prisonniers se sont échappés cette année, et la situation des prisons est dramatique. La corruption gangrène les institutions censées protéger l’État de droit, et les scandales éclaboussent les acteurs politiques et pire à l’intérieur même du CPT. Des femmes et des enfants sont abandonnés par la justice dans les prisons. Peut-on parler de restauration de la Justice et de l’Etat de droit quand la société est à genoux devant les gangs armés ? Peut-on parler de rétablissement de l’autorité de l’Etat où les dirigeants veulent s’aligner dans un agenda qu’il ne maitrise pas et se museler pour ne pas être sanctionnés?
- Mesures de redressement institutionnel et économique : Le CPT n’a pas encore réussi à mettre en œuvre des mesures significatives pour redresser l’économie. Si les recettes douanières ont progressé, cela semble contradictoire dans un contexte où les ports et aéroports ont été fermés à plusieurs reprises. Pendant ce temps, l’insécurité entrave gravement l’activité économique, notamment celle des petits commerçants, piliers de l’économie informelle.
Bien que cet état des lieux ne révèle pas de progrès significatifs réalisés par le CPT, il reste un fait que les acteurs en place doivent s’élever pour mettre les débats là où ils doivent être, vu l’urgence de l’heure et rétablir l’ordre démocratique en Haïti.
Il faudrait définitivement et de manière pragmatique, revoir certains grands chantiers de cette transition et mettre le cap sur le rétablissement de la sécurité pour arriver aux élections tel qu’il est effectivement relaté dans la déclaration de 11 mars de la Caricom.
Le choix du CPT, bien qu’imposé par la communauté internationale et certains acteurs locaux, reste controversé. La Cour de cassation aurait pu offrir une alternative institutionnelle plus ancrée dans le cadre constitutionnel et jurisprudentiel. Cependant, revenir à cette option aujourd’hui pourrait créer un vide institutionnel supplémentaire et retarder davantage la transition. Le pays peut-il se permettre de prendre cette courbe risquée mais avec courage de 360 degrés maintenant ?
La question devient donc : peut-on sauver le CPT en le rendant plus inclusif et transparent, tout en avançant vers les élections ? Si ce n’est pas le cas, Peut-on envisager une alternative telle qu’un retour à la Cour de cassation ? Cette deuxième option même plus près de l’esprit de la constitution du pays, exigera dans le contexte actuel un consensus élargi.
Ne peut-on pas, en tout état de cause, innover et soumettre une proposition plus originale et plus inclusive dans cette quête de stabilité.
Pour le Moment, il est réconfortant de constater qu’il n’y a pas de frictions larvées entre la Primature et le CPT.
Aujourd’hui l’objectif ultime doit rester le même : rétablir l’ordre démocratique à travers des élections crédibles et inclusives, tout en garantissant la sécurité et la stabilité. Les acteurs en place, en particulier ceux du CPT et de la Primature, doivent se concentrer sur cet objectif avec une vision d’État et un sens du dépassement de soi.
La rédaction