L’intervention du ministre des Affaires étrangères d’Haïti, Jean-Victor Harvel Jean-Baptiste, devant le Conseil de sécurité des Nations Unies, montre une tentative manifeste de présenter une image embellie de la réalité sur le terrain en Haïti. Cependant, les rapports indépendants et les données récentes mettent en évidence une déconnexion préoccupante entre les déclarations officielles et la crise profonde que traverse le pays.
Selon la note du Ministère de la Communication :
“Le Chancelier JEAN-BAPTISTE a mis en lumière les progrès significatifs réalisés sur le plan sécuritaire par la Police Nationale d’Haïti (PNH), grâce au soutien de la Mission Multinationale de Soutien à la Sécurité (MSS). Toutefois, il a souligné que ces avancées, bien que notables, nécessitent un appui plus robuste et structuré pour assurer leur pérennité.”
S’il est vrai que la clameur publique a félicité les arrestations de l’Ex Directrice du SNGRS Magalie Habitant et l’Ex-député Victor Prophane, les faits montrent une situation qui ne cesse de se détériorer, marquée par des massacres, des déplacements massifs et une insécurité persistante.
Le ministre a évoqué des “progrès significatifs” réalisés par la Police Nationale d’Haïti (PNH), appuyée par la Mission Multinationale de Soutien à la Sécurité (MSS). Toutefois, selon les statistiques du Bureau Intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH), la violence armée a atteint des niveaux alarmants en 2024 :
• Massacres de civils : Depuis janvier 2024, au moins 1 400 civils ont été tués dans des violences liées aux gangs, notamment à Carrefour-Feuilles, Cité Soleil et Martissant. Ces zones, sous contrôle total des gangs, restent inaccessibles pour la plupart des forces de sécurité (source : BINUH, Rapport trimestriel, décembre 2024).
• Expansion des gangs : Près de 80 % de Port-au-Prince et ses environs sont contrôlés par des groupes armés (source : International Crisis Group, novembre 2024). Ces groupes imposent des taxes illégales, contrôlent les déplacements et empêchent l’accès à des services essentiels.
Une situation sécuritaire catastrophique
- À Wharf Jérémie, en décembre 2024, plus de 70 personnes ont été tuées, dont des personnes âgées, des femmes et des enfants, par le chef de gang Micanor.
- À Petit-Rivière de l’Artibonite, un massacre a coûté la vie à plus de 40 civils, sans intervention efficace des forces de sécurité.
- Le Port de Port-au-Prince se retrouve aujourd’hui encore dans l’impossibilité de fonctionner. Selon nos sources, il est de nouveau fermé par les gangs de la Zone.
- L’aéroport international Toussaint Louverture à Port-au-Prince est fermé depuis novembre 2024. Des avions ont essuyé des tirs. Dire que la base des Kényans se trouve dans le périmètre de l’aéroport international !
- Le Kinapping a recommencé : Plus de 600 cas de kidnappings ont été enregistrés en 2024, soit une augmentation de 30 % par rapport à 2023 (source : Centre d’Analyse et de Recherche en Droits Humains, CARDH, décembre 2024).
- Des écoles et des centres de santé ont dû fermer leurs portes;
- Des quartiers comme Nazon et l’Avenue Pouplard ont vu des milliers de personnes fuir leurs domiciles face à la montée des violences.
- Le nombre de déplacés internes a dépassé les 250 000 en janvier 2025, selon les organisations humanitaires, un chiffre en constante augmentation.
Un discours irresponsable
La force kényane, qui représente l’essentiel des troupes de la MSS, a été critiquée pour son manque de préparation et de connaissance du terrain (source : Le Monde, “Mission en Haïti : Une force sous-équipée face à l’insécurité”, novembre 2024).
Le ministre a omis plusieurs points cruciaux dans son intervention :
Faiblesse de la PNH : Avec seulement 9 000 policiers opérationnels pour une population de 12 millions d’habitants, la PNH est dépassée (source : Amnesty International, octobre 2024). Il est vrai que des efforts ont été faits, mais les résultats ne sont pas encore palpables.
Une diplomatie dans le déni
Plaider pour transformer la MSS en mission de maintien de la paix sans reconnaître les causes profondes de la crise – corruption, effondrement des institutions, et mauvaise gouvernance – revient à tromper la communauté internationale qui, elle-même, connaît les chiffres mieux que le chancelier.
Le ministre appelle à transformer la MSS en une mission de maintien de la paix sous l’égide des Nations Unies. Cependant, les précédents historiques, notamment la mission de la MINUSTAH (2004-2017), ont laissé un bilan controversé :
- Échec de la stabilité durable : Malgré des milliards de dollars investis, la MINUSTAH n’a pas réussi à restaurer un État fonctionnel.
- Violations des droits humains : Des scandales, dont des abus sexuels et l’introduction du choléra, ont terni la réputation des missions onusiennes en Haïti (source : Rapport des Nations Unies sur la MINUSTAH, 2019).
Les déclarations du ministre Jean-Victor Harvel Jean-Baptiste ne reflètent pas la gravité de la situation. Alors que la population haïtienne continue de souffrir de la violence armée, des enlèvements et de la pauvreté extrême, les autorités persistent à livrer un récit édulcoré devant la communauté internationale.
La rédaction