La Mission Multinationale de Soutien à la Sécurité (MMSS) en Haïti vient de subir un sérieux revers avec la décision des États-Unis de geler leur financement.
Le porte-parole des Nations unies, Stéphane Dujarric, a confirmé ce mardi 4 février 2025 que les États-Unis ont suspendu leur contribution à la force multinationale de sécurité pour Haïti.
« En ce qui concerne Haïti, nous avons reçu une notification officielle des États-Unis demandant l’arrêt des engagements liés à leur contribution à la force multinationale de sécurité », a déclaré Dujarric.
Ce coup d’arrêt, alors que la mission peine déjà à se mettre en place, met en péril une intervention censée lutter contre l’escalade de la violence des gangs en Haïti. Le Kenya, pays leader de cette mission, se retrouve désormais face à un choix stratégique : poursuivre l’initiative avec un soutien financier limité ou se retirer, fragilisant davantage la situation sécuritaire haïtienne. Le Salvador qui avait convenu de donner un appui, a envoyé aujourd’hui 70 militaires. L’accord du Salvador est surtout lié au traitement médical et à la santé.
Les autorités haïtiennes ne semblent pas avoir évalué la situation actuelle. On n’a pas encore entendu parler des déplacements à Washington pour faire un « lobby » conséquent en faveur du pays auprès de l’administration Trump. Cependant, Lesly Voltaire a pu se rendre en Europe pour se recueillir au pied de Notre Dame du Perpétuel Secours au Vatican, tournant ainsi le dos à la Notre Dame du Perpétuel Secours qui siège au Bel air, à Delmas.
Un financement clé suspendu
Les États-Unis, principaux bailleurs de la MMSS, avaient versé directement plus de trois cent millions de dollars à la mission selon les déclarations de Anthony Blinken. Ce financement devait couvrir la formation, l’équipement et le déploiement des forces kényanes ainsi que celles d’autres pays partenaires.
En dehors de cet investissement, le porte-parole du Secrétaire général des Nations unies a précisé que les États-Unis avaient promis 15 millions de dollars pour le fonds fiduciaire destiné à soutenir la mission. Sur ce montant, 1,7 million de dollars a déjà été dépensé, tandis que 13,3 millions restent bloqués. Comment ce montant a-il déjà été dépensé ? (…)
Le 13 Novembre 2024, les Nations unies ont informé que le fonds fiduciaire totalisait 96,9 millions de dollars après une promesse de don de 10 millions d’euros de l’Allemagne. Un montant qui a déjà été aussi, en bonne partie, dépensé sous l’administration Conille, selon nos sources.
Selon le ministre Kenyan Kithure Kindiki, le budget global pour le déploiement des policiers pendant un an s’élève à 600 millions de dollars. En stoppant leur soutien financier, Washington remet en question la faisabilité même de cette mission, déjà critiquée pour son manque de clarté et d’objectifs précis. Des Républicains avait même bloqué une seconde tranche de décaissement pour manque de documentation et de plan de la MSS.
Un impact désastreux sur la sécurité en Haïti
Le gel du financement américain intervient alors que les gangs armés contrôlent près de 85 % de Port-au-Prince, multipliant massacres, enlèvements et attaques contre les institutions publiques.
Sécurité et élections
Le Conseil Présidentiel de Transition (CPT), qui cherche à organiser des élections pour stabiliser le pays, pourrait être directement affecté par cette situation. Or, le sénateur américain Marco Rubio a récemment déclaré ne pas reconnaître le Conseil Présidentiel de Transition comme entité légitime pour organiser des élections, renforçant les incertitudes politiques autour de l’avenir institutionnel d’Haïti. Il a parlé lors de sa confirmation devant le Congrès de l’absence de légitimité des autorités haïtiennes.
Quelle décision pour le Kenya ?
Le Kenya, qui devait envoyer environ 1 000 policiers, en a envoyé aux environs de 600. Il se retrouve dans une position délicate. Trois scénarios semblent possibles :
1.Maintenir la mission avec un financement réduit, ce qui poserait des défis logistiques et sécuritaires importants.
2.Exiger des garanties financières supplémentaires de l’ONU ou d’autres bailleurs internationaux (Canada, Union européenne) avant tout déploiement.
3.Se retirer complètement, ce qui signerait l’échec total de la MMSS et plongerait Haïti dans un chaos encore plus profond.
Une mission en déclin ou un changement de stratégie ?
Face au gel du financement, une alternative pourrait être envisagée : transformer la MMSS en une mission de maintien de la paix sous mandat de l’ONU. Cette option, déjà évoquée par certains diplomates, rencontre cependant des résistances de la Russie et de la Chine au Conseil de sécurité.
Une solution haïtienne
Les Haïtiens n’ont plus que jamais l’obligation de s’unir pour une réelle solution haïtienne à cette crise ayant plusieurs pères. En attendant, le temps joue en faveur des gangs, qui se renforcent aussi à travers les différents conflits entre les autorités du pays. Si aucune solution n’est trouvée rapidement, Haïti risque de basculer définitivement dans une spirale de violences incontrôlables.