Le dernier rapport de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), transmis le 4 février 2025 au Conseil de sécurité par le Secrétaire général António Guterres, met en lumière un phénomène préoccupant : l’utilisation croissante des réseaux sociaux par les gangs haïtiens pour propager leur influence, recruter de nouveaux membres et financer leurs activités.
Des gangs hyperconnectés
Jimmy « Barbecue » Chérizier et d’autres chefs de gangs diffusent leurs messages en ligne pour menacer, recruter de nouveaux membres, légitimer leurs crimes sous couvert de « révolution », informer leur objectifs et activités, accuser ou cibler des personalités ou institutions du pays. Ils vont même jusqu’à déclarer qu’ils ont des liens avec des ambassades de pays étrangers. Sur TikTok, certains organisent des sessions en direct pour glorifier leurs actions et défier les autorités.
Cette mise en scène leur permet aussi de contourner les médias traditionnels.
Un financement facilité par les plateformes
Le rapport souligne un autre problème : le soutien financier reçu via les réseaux sociaux. ONUDC cite des chefs de gangs, comme Renel Destina alias “Ti Lapli”, qui auraient offert des « cadeaux » à des influenceurs haïtiens basés aux États-Unis, notamment « Tati Mendel », « Commandant », « Parrola », « Belle-Enfant » et « Trapalman ». En retour, ces derniers contribueraient à amplifier leur message en ligne selon le rapport.
Un vide juridique et l’inaction des plateformes
Le gouvernement haïtien a tenté de limiter ces abus, mais faute de législation efficace, ces mesures restent symboliques. Les grandes plateformes numériques n’ont, de leur côté, pris aucune action significative pour bloquer définitivement les comptes des gangs.
Un oubli du rapport : le rôle des médias internationaux
Si le rapport analyse en détail l’influence des gangs sur les réseaux sociaux, il omet un point crucial : la médiatisation internationale de ces criminels. Ces dernières années, plusieurs chefs de gangs haïtiens ont été interviewés par de grandes chaînes étrangères, leur offrant ainsi une visibilité mondiale et renforçant leur pouvoir de terreur.
Ces interviews, largement relayées sur les réseaux sociaux et reprises par la presse, contribuent aussi à légitimer ces criminels aux yeux d’une partie de la population, et à amplifier leur message. Une contradiction flagrante dans un contexte où l’État peine déjà à contenir leur influence.
Des journalistes/missionnaires ont même apporté des cadeaux aux gangs armés ce qui a été largement diffusé sur les réseaux sociaux notamment X.
Une impunité numérique totale
Le rapport de l’ONUDC met en lumière une faille majeure dans la lutte contre les gangs en Haïti : leur capacité à manipuler les outils numériques en toute impunité.
Face à ce constat, plusieurs questions restent en suspens : Haïti pourra-t-il réguler ces plateformes ? Les influenceurs liés aux gangs seront-ils sanctionnés ? Et surtout, les entreprises de réseaux sociaux agiront-elles enfin ? L’Etat haïtien devra t’il aussi intervenir auprès des médias étrangers qui donnent une plus large tribune (honorique) aux gangs?
En attendant des réponses concrètes, les gangs haïtiens continuent de dominer l’espace numérique, tandis que l’État peine à reprendre le contrôle de la situation.
La rédaction