Le communiqué du 20 février 2025 signé par plusieurs organisations haïtiennes et de la diaspora contre le projet constitutionnel du Conseil Présidentiel de Transition, ne peut être dissocié du contexte politique complexe qui entoure l’Accord de Montana. Si ce texte semble, en apparence, être une dénonciation légitime des dérives du CPT, il s’inscrit en réalité dans une stratégie plus large visant à affaiblir l’un de leurs propres représentants : Fritz Alphonse Jean qui a pris officiellement la place de Leslie Voltaire au CPT le 7 mars dernier.
Le timing et la nature du communiqué publié contre le Conseil Présidentiel de Transition (CPT) soulèvent plusieurs interrogations quant aux véritables intentions de l’Accord de Montana. Au-delà des apparences, cette démarche paraît une manœuvre stratégique visant à repositionner Montana comme un acteur incontournable sur la scène nationale et internationale, notamment auprès des États-Unis.
Une offensive orchestrée par les figures de proue de Montana.
Parmi les signataires clés de cette note, on retrouve Magalie Comeau Denis, Ted Saint Dic, Ginette Chérubin et Ernst Mathurin, tous issus du Directoire de l’Accord de Montana. Leur engagement dans cette dénonciation publique à seulement deux jours de la prise de fonction de Fritz Jean au CPT est loin d’être anodin.
Ce timing soulève plusieurs interrogations :
• Pourquoi Montana dénonce-t-il si violemment le CPT au moment où son propre représentant y entre ?
• Pourquoi avoir attendu cette période précise pour contester les démarches du CPT alors que les débats sur la réforme constitutionnelle ne sont pas nouveaux ?
Montana cherche-t-il à saboter Fritz Jean ?
L’Accord de Montana a longtemps souffert de divisions internes. Un pan du mouvement s’est déjà rallié à Fanmi Lavalas et au secteur privé, ce qui a affaibli son unité et sa capacité à parler d’une seule voix. Le fait que des figures majeures de Montana publient un texte aussi virulent contre le CPT juste avant l’entrée de Fritz Jean peut être interprété comme une tentative désespérée de le discréditer avant même qu’il ne puisse agir. On ne passera pas sous silence les contestations et remontrances des Docteurs Dunois Éric Cantave et Jean Henold Buteau!
En l’attaquant publiquement, Montana semble vouloir établir une frontière entre son propre agenda politique et celui du CPT. En d’autres termes, il s’agit de documenter qu’il ne cautionne pas la direction prise par la transition, même si l’un de ses membres (son Président) y participe. Ce jeu d’équilibriste permet à Montana de se positionner à la fois comme une force de l’opposition et un acteur du pouvoir, sans jamais assumer, ni affirmer totalement l’un ou l’autre rôle.
Que veut prouver Montana et à qui ?
1. À la population haïtienne : Qu’il demeure une alternative crédible face au CPT, en dénonçant ce dernier comme une instance illégitime et non représentative du peuple.
2. Aux acteurs internationaux : Que l’Accord de Montana conserve une certaine influence politique et qu’il demeure un interlocuteur incontournable dans les discussions sur l’avenir d’Haïti.
3. À ses propres membres : Qu’il ne se laisse pas totalement absorber par les institutions de transition, et qu’il maintient une posture critique pour éviter d’être assimilé aux failles du CPT.
4. À Fritz Jean lui-même : Que sa marge de manœuvre au sein du CPT sera extrêmement limitée et qu’il ne peut pas prétendre représenter l’ensemble de Montana dans cette instance.
Montana : une influence toujours présente au sein de l’État
Il est important de noter que plusieurs membres influents de Montana occupent aujourd’hui des postes clés au sein du gouvernement et de l’administration publique. Malgré son discours critique à l’égard du CPT, Montana n’a jamais complètement coupé les ponts avec l’appareil d’État. Cette présence institutionnelle démontre que Montana ne cherche pas tant à s’y opposer frontalement, mais entend plutôt contrôler discrètement certains leviers du pouvoir. Ce communiqué pourrait être interprété comme une tentative de freiner l’influence de Fritz À. Jean et d’empêcher qu’il ne devienne la voix principale de Montana au sein du CPT.
Un signal destiné à Washington ?
Historiquement, l’Accord de Montana a bénéficié d’une proximité avec les milieux démocrates à Washington, ce qui lui a permis d’avoir une certaine reconnaissance internationale. Mais avec l’évolution du contexte politique aux États-Unis où Donald Trump est redevenu un acteur central, Montana pourrait chercher à s’adapter malgré des absences remarquées telles que celles de Patrick Gaspard et Jean Philippe Austin.
Les changements de taille opérés dans l’actuel gouvernement américain affecteront certainement le rapport de force entre les acteurs politiques haïtiens. En publiant cette déclaration, Montana tente peut-être de se repositionner de manière opportuniste, comme un interlocuteur légitime pour la nouvelle administration républicaine qui ne semble pas encore s’émouvoir devant la situation de détresse du peuple haïtien.
Cette stratégie repose sur plusieurs éléments :
1. Renforcer son image d’acteur indépendant face au CPT, en dénonçant publiquement ce dernier, alors même que des membres de Montana y sont impliqués.
2. Démontrer qu’il conserve une base populaire et nationale, d’où l’importance de faire signer le communiqué par une multitude d’organisations locales et de la diaspora.
3. Contourner les critiques sur son opacité, notamment sur la liste de ses membres, en s’appuyant sur un large front d’entités qui n’ont jamais été réellement structurées sous une même bannière.
Pourquoi faire signer par autant d’organisations ?
La signature de ce communiqué par 503 organisations est une tactique bien calculée. Montana a toujours refusé de publier une liste à jour de ses membres, ce qui a souvent soulevé des doutes sur sa réelle représentativité. En impliquant un nombre impressionnant d’organisations, Montana cherche à créer l’illusion d’un consensus national autour de sa position, alors même qu’il est divisé à l’interne.
Cette démarche permet aussi de répondre indirectement aux critiques sur son manque de transparence. En effet, plutôt que de publier une liste exhaustive de ses membres, Montana préfère afficher un soutien massif à travers des structures souvent factices ou peu connues du grand public, mais qui servent à légitimer son discours.
Un jeu politique risqué
Si cette manœuvre permet temporairement à Montana de conserver une visibilité politique, elle engendre également plusieurs risques :
• Si Fritz Jean parvient à s’imposer au CPT, Montana pourrait perdre de son influence interne et se retrouver marginalisé.
• Si la communauté internationale perçoit cette initiative comme une tentative de sabotage plutôt que comme une opposition constructive, Montana risque de perdre en crédibilité auprès de ses partenaires étrangers.
• Si le contexte politique américain évolue défavorablement, Montana pourrait se retrouver sans alliés stratégiques à Washington.
Conclusion
Ce communiqué ne peut être perçu comme une simple dénonciation de la réforme constitutionnelle du CPT. Il s’agit d’un coup politique visant à affaiblir Fritz Jean, à redéfinir la place de Montana dans le jeu institutionnel, et à se repositionner sur l’échiquier international.
Souffler à la fois le chaud et le froid est une attitude bien politicienne qui ne sied pas à l’image qu’on s’est faite de Montana. La politique ne change pas forcément les Hommes et Femmes mais les révèle.
La rédaction