À travers ces documents déclassifiés sous l’administration de Donald Trump, on découvre que la République dominicaine a longtemps servi de base à des opérations secrètes visant non seulement Haïti, mais aussi Cuba. Aujourd’hui, alors que Haïti traverse une crise sécuritaire sans précédent et que les États-Unis et la République dominicaine affichent une unité renforcée dans la gestion du dossier haïtien, il est crucial de revisiter ces pages de l’histoire.
La récurrence de complots internationaux impliquant Haïti interroge sur les véritables enjeux qui se jouent actuellement autour de la nation haïtienne. Pourquoi cette alliance stratégique entre Washington et Saint-Domingue semble-t-elle se renforcer à un moment où Haïti est au bord du chaos ? Qui tire réellement les ficelles de la situation actuelle ?
En mettant en lumière ces éléments historiques, Le Quotidien 509 entend offrir à ses lecteurs une perspective élargie sur les événements en cours et souligner l’importance de la vigilance face aux influences extérieures qui ont, à maintes reprises, pesé sur l’avenir d’Haïti.
Texte de Paul Mathiasen, publié dans le Listín Diario
Selon les documents, Joaquín Balaguer a approuvé une action insurrectionnelle contre Duvalier depuis l’Île Beata, un petit îlot du territoire dominicain. Des groupes cubains ont utilisé la République dominicaine comme base d’opérations, de réunions et de planifications pour envahir et contrôler Haïti, puis frapper le gouvernement dirigé par Fidel Castro.
Les récents dossiers déclassifiés par l’administration du président des États-Unis, Donald Trump, révèlent que des groupes armés dirigés par des Cubains ont tenté, à au moins trois reprises, de renverser l’ex-dictateur haïtien François Duvalier et d’attaquer Cuba depuis Haïti. L’un de ces complots aurait même bénéficié du soutien de Joaquín Balaguer.
Un premier document informe sur le profil d’Antonio Rodríguez Echazábal et son séjour en Haïti, où il aurait contribué à l’organisation de groupes armés cubains visant à renverser le gouvernement de François Duvalier.
Le profil indique qu’Echazábal a vécu en Haïti pendant 18 ans et, après la chute du gouvernement de Fulgencio Batista et l’arrivée au pouvoir de Fidel Castro, il a pris le contrôle de l’ambassade cubaine à Port-au-Prince. Il y a entretenu des relations étroites avec les opposants au régime de Duvalier.
En juillet 1959, un document rapporte qu’un groupe de Cubains a envahi Haïti, ce qui aurait été perçu comme un « préambule » à une invasion de la République dominicaine. Cependant, l’incursion cubaine a été repoussée par le gouvernement haïtien, qui a accusé Echazábal d’avoir orchestré cette opération armée, le forçant ainsi à quitter le pays.
La même année, en octobre, un autre document déclassifié mentionne des conversations entre William Pawley, un homme d’affaires et diplomate américain bien implanté en République dominicaine, et deux Cubains non identifiés.
Lors de leur discussion, l’un des Cubains, présenté comme un membre influent d’un groupe anti-castriste, a mentionné qu’il allait rencontrer ses alliés pour discuter, en République dominicaine, de la possibilité de saboter les récoltes de sucre à Cuba.
Ce Cubain a informé Pawley que son groupe avait été contacté par le général José Eleuterio Pedraza, chef de groupes révolutionnaires cubains en République dominicaine, et qu’on leur avait demandé leurs plans pour commencer les sabotages à Cuba.
Rolando Masferrer
Entre 1964 et 1966, plusieurs documents déclassifiés mentionnent Rolando Arcadio Masferrer, un « exilé cubain influent et financier d’opérations paramilitaires dans les Caraïbes contre Fidel Castro », qui entretenait des liens étroits avec la République dominicaine.
Masferrer était en contact avec le consul dominicain Carlos Peguero Guerrero, frère du chef de la Police nationale de l’époque, Belisario Peguero Guerrero. Avec le diplomate, il aurait collaboré pour, en cas d’aval de Luis Amiama Tió, offrir ses « ressources cubaines » au Parti libéral évolutionniste (PLE) si celui-ci décidait d’agir contre le gouvernement du Triumvirat.
En 1965, un associé de Masferrer a rapporté que ce dernier était en contact avec le général haïtien Léon Cantave dans le cadre d’un complot visant à envahir Haïti depuis la République dominicaine.
Pour cela, Masferrer recrutait des Cubains célibataires à New York, prêts à être transférés en République dominicaine. Il aurait également demandé à son cousin, Antonio Rojas Masferrer, de gérer une ferme en République dominicaine qui servirait de centre d’entraînement pour environ 100 hommes, qui rejoindraient ensuite les forces de Cantave. Tous ces combattants devaient se regrouper dans un endroit « indéterminé » du pays, avant d’envahir Haïti.
Les documents indiquent que, selon Cantave, Masferrer prévoyait d’utiliser quatre navires et cinq avions pour l’invasion d’Haïti, puis pour une attaque à Santiago de Cuba, dans la province d’Oriente, après le renversement de François Duvalier.
Un photographe de la chaîne CBS, ayant obtenu l’autorisation de Masferrer pour filmer l’arsenal destiné à l’opération, a révélé que les conspirateurs comptaient établir une base sur l’Île Beata et que les accords avec la République dominicaine étaient déjà conclus. « Le président Balaguer a donné son approbation pour l’opération », précise le document.
La connexion avec Balaguer aurait eu lieu, selon ces documents, par l’intermédiaire de Santiago Rey, un exilé cubain et ancien ministre sous le gouvernement de Fulgencio Batista. Après la chute de Batista, Rey s’est installé en République dominicaine, où il est devenu conseiller de Balaguer lors de sa campagne électorale. En reconnaissance de son aide, Balaguer lui aurait offert une ferme où il pouvait entraîner une guérilla anti-castriste.
Cependant, l’opération n’a jamais abouti. En 1967, les autorités américaines ont arrêté 68 conspirateurs, et un an plus tard, Masferrer a été condamné à quatre ans de prison pour « violation de la loi de neutralité aux États-Unis ».
Antonio Cuesta Valle
D’autres documents mentionnent Antonio Cuesta Valle, un homme d’affaires cubain et opposant notoire de Fidel Castro. En 1965, il projetait d’établir des camps d’entraînement pour les exilés en République dominicaine.
Il avait d’abord tenté de créer un camp en faveur des exilés cubains à Porto Rico et espérait obtenir l’autorisation du gouvernement dominicain pour faire de même dans le pays, à l’instar d’Eloy Gutiérrez Menoyo, un leader militaire cubain présent en République dominicaine.
Cependant, ses plans ont échoué après qu’un « haut gradé dominicain » ait formulé des accusations contre lui auprès du gouvernement, ce qui a terni les « bonnes relations » qu’il entretenait avec le pays.
Le texte que vous venez de lire est un article de Paul Mathiasen, publié dans le Listín Diario. Vu l’importance de son contenu, Le Quotidien 509 a jugé opportun de le traduire en français afin de le rendre accessible à ses lecteurs.
L’article original en espagnol peut être consulté sur le site du Listín Diario via le lien suivant :
🔗 Listín Diario – El país, epicentro de complots contra Castro y Duvalier