Le 26 mars 2025, une imposante délégation haïtienne s’est rendue à Kingston, en Jamaïque, pour rencontrer le sénateur américain Marco Rubio. Officiellement, il s’agissait de discuter de la crise sécuritaire qui paralyse Haïti. Mais au-delà de cette façade diplomatique, ce déplacement soulève des interrogations sur ses véritables motivations et son utilité.
Une délégation controversée
Selon une correspondance du Secrétariat Général de la Présidence dont notre rédaction a eu copie, la délégation comprenait Lionel Delatour, ambassadeur d’Haïti à Washington, et Chenet St-Vil, ambassadeur auprès de la CARICOM. Cependant, d’autres noms attirent l’attention, notamment Rose Adèle Joachim et Marc Cornet Sébastien Jean, répertoriés comme “invités” — qui ne sont autres que la compagne et l’enfant du président du Conseil de Transition, Fritz Jean.
À ces personnes s’ajoutaient deux membres du protocole, trois agents de sécurité présidentielle, un photographe et d’autres membres du staff. L’ampleur de cette délégation, financée par l’argent du contribuable haïtien en pleine faillite économique, interroge : pourquoi un tel effectif pour une simple réunion diplomatique ?
En réalité, tout porte à croire qu’il s’agissait avant tout d’un déplacement pour “prendre la dictée” du sénateur américain, plutôt que d’une initiative politique forte portée par le Conseil Présidentiel de Transition (CPT).
De plus, la composition même de la délégation laisse penser que ce voyage offrait surtout l’opportunité de profiter des avantages liés aux déplacements officiels : per diem, passeports diplomatiques et/ou officiels, et statut privilégié.
Un dialogue sans impact ?
Sur le fond, la rencontre avec Rubio semble avoir été purement protocolaire. Après l’entretien, le sénateur a publié un message sur X (anciennement Twitter) qui reprend des éléments déjà connus :
“Les États-Unis condamnent la violence des gangs en Haïti. J’ai discuté avec le président du Conseil Présidentiel de Transition, Fritz Jean, de la situation sécuritaire à Port-au-Prince. Reconnaissant envers le courage de la Police Nationale d’Haïti et du personnel international qui travaillent à stabiliser le pays.”
Aucune annonce concrète, aucun engagement nouveau. De plus, lors d’une récente audition devant le Congrès américain, Marco Rubio avait lui-même déclaré que le CPT n’était pas légitime. Alors, qu’est-ce qui a changé aujourd’hui ?
Si les États-Unis ne reconnaissent pas officiellement le CPT, cette réunion n’a probablement servi qu’à entretenir un dialogue de façade. Fritz Jean aurait dû faire preuve de transparence en partageant avec le pays la nature exacte des consignes reçues, plutôt que de se contenter de rapporter de vagues félicitations à l’égard de la Police Nationale d’Haïti (PNH) et de la Mission de Sécurité Multinationale (MSS).
Or, sur le terrain, la situation est dramatique : les gangs continuent leur progression, la MSS peine à remplir son rôle, et le dernier soldat de cette mission tué par les bandits a même été profané sur les réseaux sociaux.
Où sont les hommes d’État ?
Pendant que les dirigeants effectuent des missions sans résultats concrets, gaspillent l’argent de l’Etat, la crise sécuritaire s’aggrave et la population haïtienne sombre davantage dans la frustration et la méfiance. Ce voyage de Fritz Jean et de sa délégation, loin de répondre aux urgences du pays, illustre une fois de plus le décalage entre les élites politiques et la réalité du terrain.
Haïti a-t-elle encore de véritables hommes d’État capables de proposer des solutions ?
La rédaction