Ce qui choque le plus dans la crise actuelle, ce n’est pas uniquement la sévérité des mesures dominicaines à l’égard des Haïtiens, mais l’indifférence complice de notre propre diplomatie. À travers son silence, son absence sur le terrain, et son incapacité à défendre les droits fondamentaux de nos citoyens en terre étrangère, la chancellerie haïtienne semble avoir choisi son camp : celui du renoncement.
Il ne s’agit plus simplement d’incompétence, mais d’une véritable diplomatie anti-haïtienne, qui trahit les principes mêmes de la souveraineté nationale. Plutôt que de représenter et de protéger, nos diplomates abandonnent, cautionnent et s’effacent. Le message est clair : les Haïtiens, surtout les plus vulnérables, ne peuvent plus compter sur leur État.
On ne peut empêcher le président Luis Abinader de vouloir contrôler sa frontière comme il l’entend, ni de capitaliser sur la crise haïtienne pour repositionner la République Dominicaine sur la scène internationale et négocier des accords stratégiques. Si sa gestion du dossier migratoire lui vaut des critiques virulentes – notamment de la part d’organisations de défense des droits humains comme Amnesty International, qui dénoncent une politique ouvertement raciste – on ne peut ignorer qu’il incarne une élite conservatrice et dominante de son pays.
Mais au-delà des reproches faits à Abinader, le véritable scandale est chez nous. Où est la diplomatie haïtienne ? Où sont les femmes et les hommes censés défendre les intérêts du peuple haïtien ?
Ce vide diplomatique, cruel et humiliant, blesse chaque jour un peu plus les milliers d’Haïtiens vivant en République Dominicaine. Aucun soutien, aucun mot, aucune action.
Nos représentants brillent par leur absence :
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Fritz Longchamp, ambassadeur fantôme, muet face à la détresse de ses compatriotes ;
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Harvel Jean-Baptiste, ministre des Affaires étrangères, plus préoccupé par ses missions à l’étranger que par le sort de nos citoyens ;
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Kathia Verdier, ministre des Haïtiens vivant à l’étranger, étrangement silencieuse, comme si ce dossier ne la concernait pas.
Ce silence diplomatique est une trahison. Pendant que la République Dominicaine organise, planifie, communique et mobilise, les autorités haïtiennes s’enfoncent dans le déni, l’improvisation et le silence.
Depuis sa création en 2023, Le Quotidien 509 alerte, dénonce, propose. Et aujourd’hui, nous osons poser la question :
Si les Dominicains assument leur posture anti-haïtienne, devons-nous aussi accepter que notre propre diplomatie soit « anti-haïtienne » ?
Depuis septembre 2023, les postures de Luis Abinader ont été critiquées, notamment sur le dossier du canal de Ouanaminthe. Pourtant, force est de constater qu’en deux ans, la République Dominicaine a su transformer la crise haïtienne en levier diplomatique puissant. Abinader s’est imposé dans les réunions régionales, a renforcé ses liens en Europe, en Amérique, en Afrique, et même au Moyen-Orient. La République Dominicaine maintient aussi une diplomatie agile avec la Chine, malgré un rapprochement avec l’administration Trump.
Pendant ce temps, en Haïti, la diplomatie sombre. Après Jean Victor Généus, qui tentait encore de préserver une forme de communication officielle, la nouvelle gouvernance à neuf têtes impose une diplomatie erratique. Dominique Dupuy, sans réelle expérience diplomatique, a enflammé les tensions avec des déclarations irréfléchies, accentuant les clivages entre les deux peuples.
Aujourd’hui, Harvel Jean-Baptiste, haut cadre promu ministre, multiplie les voyages mais évite soigneusement la frontière et tout dialogue réel avec la République Dominicaine. On se demande s’il comprend seulement les enjeux historiques, politiques et humains qui lient les deux nations.
Pourquoi cet abandon ? Pourquoi ce refus de sursaut national ? Pourquoi ce mépris pour plus de 700 000 Haïtiens qui vivent, ou vivaient, de l’autre côté de l’île ?
Pourquoi cette volonté manifeste d’exclure Haïti du dialogue diplomatique international ? Pourquoi cherchez-vous à isoler notre pays, Monsieur le ministre Harvel Jean-Baptiste ? Et vous, messieurs du CPT, pourquoi cautionnez-vous une diplomatie de fuite et d’échec, au détriment de notre peuple ?
La rédaction