New York, le 21 avril 2025. Porte-plume avec l’Équateur de la résolution ayant autorisé la MSS, les États-Unis font aujourd’hui face à leurs propres limites. Dans un discours hésitant au Conseil de sécurité des Nations-Unies, l’ambassadrice Dorothy Shea a reconnu que “même avec un renforcement sécuritaire, une mission politique spéciale ne suffit pas à endiguer la violence des gangs.” Un constat d’impuissance surprenant, un an après avoir imposé l’idée d’une mission non-onusienne sous commandement kenyan.
Washington appelle désormais les bailleurs de fonds à prendre le relais, reconnaissant ne plus pouvoir assumer seul le fardeau financier. Une position qui interroge : comment la première puissance militaire et diplomatique mondiale, à l’origine même du concept, peut-elle se désengager si rapidement d’une mission qu’elle a elle-même conçue ?
Sur le terrain, le bilan est maigre. Le BINUH fonctionne en mode dégradé, avec une équipe restreinte encore présente à Port-au-Prince, et la majorité du personnel relocalisée pour des raisons de sécurité. Le soutien médical se limite à un médecin, une infirmière de passage et un volontaire. La Police nationale d’Haïti (PNH) reste sous-équipée, sans appui tactique suffisant, et le processus électoral n’a même pas été esquissé.
Un Conseil présidentiel de transition à 9 têtes, piloté par Washington et Londres
Autre paradoxe mis en lumière : le Conseil présidentiel de transition, mis en place sous l’égide de la CARICOM, est en réalité le fruit d’une proposition américaine. Cette structure à neuf membres, avec un président tous les cinq mois, est censée assurer la gouvernance jusqu’au 7 février 2026. Un système sans précédent dans le monde, qui interroge sur sa viabilité, sa légitimité et sa coordination réelle.
Selon plusieurs sources diplomatiques, Jonathan Powell, ancien conseiller de Tony Blair et émissaire du Royaume-Uni, aurait fortement influencé cette architecture, après avoir tenté de promouvoir l’Accord de Montana, dont cette formule semble un dérivé…, sans en reprendre les fondements populaires ni les garanties démocratiques.
La Chine attaque : “Les États-Unis doivent assumer leur responsabilité historique”
Le discours du représentant chinois a été l’un des moments les plus percutants de la session. Exprimant une “profonde inquiétude” face à l’effondrement de l’État haïtien et à la montée en puissance des gangs, la Chine a livré un réquisitoire structuré en trois volets :
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Appel à une souveraineté réelle : Pékin appelle les leaders haïtiens à cesser de dépendre de l’aide extérieure, et à former un gouvernement légitime capable de répondre aux urgences de sécurité, de gouvernance et de développement.
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Critique de l’inefficacité internationale : Malgré trois décennies de missions onusiennes, les résultats sont jugés “dérisoires”. La Chine appelle à réorienter l’aide vers des solutions concrètes, ciblées et adaptées aux réalités haïtiennes.
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Accusations directes contre les États-Unis :
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“Les États-Unis ont toujours été les maîtres du jeu politique haïtien.”
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“Ils ont orchestré la transition actuelle et s’en détournent maintenant.”
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“Ils n’appliquent pas l’embargo qu’ils ont voté, laissant les armes entrer via la Floride.”
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“Ils ont coupé l’aide, expulsé des migrants, imposé des tarifs douaniers sur les produits haïtiens.”
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“Ce n’est pas seulement cruel, c’est profondément absurde et déchirant”, a conclu le diplomate chinois.
Et maintenant ?
Alors que les tensions diplomatiques se cristallisent et que la mission MSS piétine, le peuple haïtien reste seul face à l’effondrement. La Chine a terminé en appelant à une Haïti autosuffisante, reconstruite sur des bases souveraines, tout en se disant prête à jouer un rôle constructif.
Dans cette diplomatie des contradictions, les discours grandiloquents semblent de moins en moins crédibles au regard de la réalité sur le terrain, marquée par le désespoir, l’insécurité et la fragmentation politique.
La rédaction