« Je suis extrêmement alarmé par la décision du gouvernement de la République dominicaine de fermer sa frontière terrestre, maritime et aérienne avec Haïti », a déclaré M. O’Neill, exhortant le gouvernement dominicain à reconsidérer sa décision « qui aura de graves conséquences sur les populations des deux côtés de la frontière ».
Il a de plus appelé les deux gouvernements à revenir à la table des négociations et à suivre le processus décrit dans la Déclaration commune du 27 mai 2021 pour parvenir à une résolution pacifique de leur différend.
Recourir si nécessaire à l’arbitrage international
Le 15 septembre, en réponse à la construction d’un canal sur la rive haïtienne d’un cours d’eau frontalier, la rivière Dajabon, le gouvernement de la République dominicaine a décrété la fermeture de toutes ses frontières avec le pays voisin.
William O’Neill, appelant le gouvernement Haïtien à exercer son autorité sur toutes les activités liées au projet de canal et à respecter les protocoles appropriés, a exhorté les deux gouvernements à échanger toutes les informations pertinentes sur la nappe phréatique, les études hydrologiques et les impacts environnementaux décrites dans leur déclaration commune du mois de mai 2021, afin de parvenir à une résolution pacifique et rapide de la crise.
Il a de même encouragé les deux parties, en cas d’échec d’un accord, à accepter un arbitrage international pour résoudre un différend qui affecte lourdement les deux pays.
Une crise néfaste, aussi, pour la République dominicaine
Alors que de nombreuses entreprises en République dominicaine dépendent du commerce transfrontalier avec Haïti pour leur subsistance, des milliers d’emplois sont menacés.
Pour leur part, les entreprises de la République dominicaine qui dépendent fortement de la main-d’œuvre journalière haïtienne seront confrontées aux répercussions économiques immédiates de la fermeture.
Du côté haïtien, l’impact sera encore plus désastreux, prévient l’expert. En raison de l’insécurité et de la violence des gangs en Haïti, de nombreux produits essentiels comme la nourriture, le matériel médical et les médicaments sont importés de la République dominicaine. « Les directeurs de cliniques médicales en Haïti m’ont dit qu’ils ne pourraient pas soigner leurs patients si l’accès à la République Dominicaine leur était coupé », a-t-il prévenu. « Des vies sont en jeu ».
Haïti importe au moins 25% de ses ressources alimentaires de la République dominicaine. De nombreuses écoles de la zone frontalière achètent la nourriture qu’elles utilisent pour fournir le déjeuner à leurs élèves à la frontière. L’accès à l’eau sera également encore plus entravé.
William O’Neill a exhorté la République dominicaine à autoriser l’acheminement de toutes les formes d’aide humanitaire et de biens essentiels à Haïti afin « d’éviter d’envenimer davantage une crise déjà grave qui met particulièrement en danger les plus vulnérables, notamment les enfants et les personnes âgées ».
L’expert des droits humains a assuré comprendre les inquiétudes de la société dominicaine devant les conséquences régionales de la complexe situation en Haïti. Mais il a préconisé de répondre à ces préoccupations par des mesures fondées sur les droits humains et les principes humanitaires ainsi que « par une réponse solidaire à la lumière de la situation humanitaire dans le pays ».
Un risque d’aggravation de la terrible situation de Haïti
Il a, à cet égard, dit partager les graves préoccupations de Volker Türk, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, concernant la situation des migrants haïtiens et leur retour forcé continu depuis la République dominicaine.
« Lors de ma dernière visite en Haïti, j’ai entendu des témoignages de mauvais traitements infligés aux migrants haïtiens, notamment aux enfants, et aux femmes enceintes et allaitantes », a-t-il déploré. La violence armée incessante et les violations et atteintes aux droits humains en Haïti ne permettent pas actuellement un retour sûr, digne et durable des Haïtiens dans le pays.
La situation désespérée du pays a déjà suscité une forte réaction de Martin Griffiths, chef de l’humanitaire de l’ONU. « Le carnage doit cesser » a-t-il écrit le 1erseptembre sur le réseau social X (anciennement Twitter), allusion aux 71 morts et blessés dénombrés à Port au Prince dans les deux semaines précédentes sur fond de recrudescence des violences armées.
Depuis le début de l’année, le bilan s’élève à 2.500 morts et 1.000 blessés dans le pays. 970 Haïtiens ont été kidnappés et 10.000 personnes déplacées de force par les violences qui incluent d’atroces crimes sexuels contre les femmes et les filles et les exécutions sommaires de 240 membres de gangs haïtiens par des « groupes d’autodéfense » autoproclamés prétendant pallier le manque de sécurité et le dysfonctionnement du gouvernement.
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