Participant à la 24ième conférence internationale des Chefs d’Etat et de Justice du Monde organisée à Lucknow en Inde du 3 au 6 novembre 2023 par City Montessori School, l’Ancien premier ministre Jean Henry Céant appelle les dirigeants des sphères politiques et économiques de toutes les nations et les hauts responsables des grandes institutions internationales et régionales à tout mettre en œuvre pour améliorer les conditions de vie actuelles et d’agir pour que celles de l’avenir soient meilleures.
Nous publions l’intégralité de l’allocution de l’ancien premier ministre Céant qui a été acheminée à notre journal.
ALLOCUTION DE ME. JEAN HENRY CEANT
Ancien Premier Ministre d’Haïti (2018-2019)
CONGRÈS MONDIAL POUR LA PAIX – INDE
NOVEMBRE 2023
A) Planète et Progéniture sont les deux piliers sur lesquels repose la pérennité de l’humanité – l’avenir de l’être humain, l’existence future de la terre, la conservation de la nature, la continuité de la vie. Cette compréhension humaniste justifie la prépondérance de la lettre de l’article 51 de la Constitution de l’Inde qui doit guider les réflexions de l’auguste assemblée réunie ici à Ultrapadech, pour cette vingt-quatrième conférence internationale à laquelle j’ai le grand privilège de prendre part.
La place d’honneur qui est accordée aux soixante-et-un mille étudiants de la « City Montessori School de Lucknow » est loin d’être symbolique puisque cette mention doit rappeler aux autorités mondiales, chefs d’Etat et de gouvernement, responsables et dirigeants à l’échelle internationale, leurs responsabilités envers les 2.5 billions d’enfants de la planète.
B) Leur inclusion est primordiale puisqu’elle implique l’obligation de les prendre en compte et d’ajouter à leur nombre, le chiffre incalculable des enfants à naître. Il s’agit de générations futures, celles qui peupleront nos espaces tant que la planète sera préservée dans les conditions optimales pour qu’elle remplisse son rôle principal de soutenir et de nourrir toutes les vies. Comprenez ici, celles de toutes les races humaines avec leurs différences intrinsèques et dans le respect de leurs mondes et cultures spécifiques, comme celles de toutes les espèces végétales et animales qui peuplent les habitats terrestres et maritimes.
C) Il est un fait qu’à travers le monde, nous ne jouissons pas tous des mêmes opportunités, particulièrement les jeunes et les enfants qui sont divisés en ressortissants de pays du Nord ou de pays du Sud ; ces espaces étant caractérisés soit par la richesse, la pauvreté ou la précarité. Les inégalités qui les séparent demeurent immenses malgré les magnifiques progrès de notre siècle. Toutefois, nous partageons au quotidien, la pesante angoisse d’un présent incertain, entrainant pour tous nos enfants la peur du lendemain face à la lourde charge qu’ils ont de tirer le meilleur parti du monde quel que soit l’état dans lequel notre génération le leur aura légué.
D) Partout, l’être humain se démène, inquiet et anxieux, dans une existence réduite et fragile, menacée par le terrorisme international, les conflits armés régionaux, les confrontations locales sanglantes, la propagation des pandémies, sans oublier la menace nucléaire et les méfaits de la dégradation environnementale et les débordements technologiques. Toute médaille ayant un revers, la reluisante globalisation n’a pas pu apporter la paix et la sécurité à tous. Les bienfaits attendus ne se sont pas manifestés à travers le monde en toute équité tandis que les éléments néfastes se sont proliférés sans discriminer jusque dans les régions les plus reculées.
E) Si notre époque, celle où l’évolution cybernétique a virtuellement rapproché les lieux les plus distants, est réputée la plus moderne à travers les âges, elle est aussi considérée comme la plus dangereuse. Une ère où entre autres méfaits, le réchauffement de la planète et la menace d’une apocalyptique guerre nucléaire portent les esprits à douter du bien-fondé et de l’efficacité des approches préconisées par les autorités concernées et à minimiser le potentiel bénéfique des découvertes scientifiques.
F) Est-ce pourquoi il revient aux dirigeants des sphères politiques et économiques de toutes les nations et aux hauts responsables des grandes institutions internationales et régionales de tout mettre en œuvre pour améliorer les conditions de vie actuelles et d’agir pour que celles de l’avenir soient meilleures ? Est-ce pourquoi il devient aussi de plus en plus urgent de transformer un monde réparti en pays du Nord et pays du Sud en une planète constituée de nations indépendantes mais ralliées autour de sa préservation pour la prospérité de ses peuples, le bien-être et la sécurité de leurs enfants, c’est-à-dire la pérennité de l’humanité, en vue de garantir le bonheur de tout être humain, homme, femme et enfant, nonobstant sa ville natale, son domicile ou sa demeure ? De ce fait, le besoin de sécurité dans tous les domaines ne devient-il pas l’élément fondamental et prépondérant de toute gouvernance, qu’elle soit locale, nationale, régionale ou internationale ?
G) Actuellement, la notion de sécurité dépasse celles plus restreintes de sûreté des Etats et de souveraineté nationale qu’elle englobe en leur conférant une dimension humaniste qui met un accent fort sur les personnes, plaçant la sécurité des individus au centre de tout projet social et de toute action politique. En fait, la population mondiale augmente. Bientôt nous serons huit milliards d’âmes habitant la planète terre, entrainant une consommation incontrôlée des ressources naturelles à un rythme qui dépasse de loin la capacité de régénérescence de la terre alors que les sols s’appauvrissent sous l’agression des pesticides utilisés à outrance.
Dans l’intervalle, nous assistions avec beaucoup d’inquiétude au réchauffement climatique, qui, dans un avenir pas trop lointain, peut amener une telle sècheresse qu’aucun être vivant ne pourra survivre sur la terre. Toutes les espèces menacent d’être réduites en poussière par ces phénomènes dont l’homme est responsable : pollution, destruction de la biodiversité, libération dans l’atmosphère d’une quantité exagérée de gaz à effet de serre, déchets industriels, et j’en passe.
H) Par conséquent, le besoin de sécurité comprend des volets socio-économiques qui transcendent les intérêts politiques ainsi que les innovations au niveau de développement d’arsenal militaire. Il préconise de se pencher surtout sur les besoins immédiats et futurs des secteurs sociaux les plus vulnérables de nos sociétés, les démunis, les vieillards, les femmes et les enfants, qui sont les premières victimes de toutes calamités, les plus durement affectées et qui risquent de ne jamais pouvoir se relever. Si nous ne désirons pas arborer un nouveau comportement, plus responsable, plus altruiste, avec un sens aigu de la prévention afin de réduire notre impact négatif sur l’environnement, dans notre instinct de conservation nous interpelle à anticiper sur ces grands périls en prenant les mesures concrètes, adaptées au microclimat pour le sauvetage des écosystèmes, favorisant l’utilisation des énergies propres, conscientisant les jeunes et les moins jeunes sur les conséquences dangereuses de nos mauvaises attitudes face aux exigences de vie et de survie.
I) La sécurité inclut la protection contre toutes les facettes de l’insécurité. La sécurité sanitaire doit intégrer alimentation adéquate, soins médicaux de base, logement décent. La sécurité économique ne peut se concevoir en dehors de l’accès à une éducation de qualité et à un travail décent qui permettent aux individus de vivre dans la dignité en prenant soin d’eux-mêmes et de leurs dépendants. Elle ne se conçoit non plus en dehors de la sécurité civile qui garantit le respect des droits et des libertés individuelles. Toutefois, un vrai climat de sécurité ne peut seulement se concevoir dans l’enclos des frontières nationales. Les fléaux modernes tels que le terrorisme international, la menace nucléaire, le changement climatique ne connaissent pas de limites géographiques. Les effets et conséquences des conflits armés régionaux se répercutent au-delà des territoires affectés quand les gens sont contraints au déplacement et à la migration.
J) Par ailleurs, les pays pauvres qui ont le moins contribué à cette situation de destruction et de panique sont souvent les plus touchés, n’ayant une vraie capacité de rebondir ou d’y répondre de manière adéquate. Ces pays du Sud, en vue d’apporter leur contribution efficace à la protection de l’environnement sont contraints de renoncer aux standards de développement traditionnels pour éviter de copier les modèles à haute intensité de carbone, bien connus et expérimentés naguère. Ils doivent, en revanche, s’engager à cette transition écologique qui exige d’innover et de créer un modèle de développement original qui nécessite un saut technologique avec des infrastructures adéquates pour lequel ils ne sont pas équipés tant du point de vue de ressources humaines qu’économiques.
K) Néanmoins, les pays du Sud ne peuvent jouer ce rôle, si les pays du Nord n’assument la responsabilité de leur allouer le support financier et technologique nécessaire tout en tenant compte de leurs spécificités locales. La transition écologique devient alors une réalité globale, sans aucune discrimination, si ce n’est que de prioriser et de favoriser les plus vulnérables dans le grand combat pour la défense des écosystèmes contre la consommation démesurée, la pollution et tous ces fléaux qui mettent le monde à mal, et qui rendent plus incertaine la vie sur terre dans des conditions acceptables pour chaque être humain, sans considération de race, de classe ou d’espace géographique.
L) Aussi, la vraie sécurité nationale sous-entend-elle une coopération internationale pour promouvoir la paix, laquelle requiert l’élaboration d’une approche globale pour le développement d’une Culture de la Paix et du Vivre Ensemble. Une conscientisation planétaire traduite en efforts conjugués peut nous conduire tous au bonheur. Alors, il est essentiel d’apprendre à connaitre l’autre en respectant ses valeurs culturelles et cultuelles, et cela ne peut se réaliser en dehors d’une conception éducationnelle large visant tous les degrés et tous les âges. C’est là le fondement indispensable à l’établissement et au maintien de relations internationales capables de garantir la sécurité aux niveaux national et international. Toutes les consciences doivent être tenues en éveil pour la protection de l’homme dans toutes ses dimensions et la construction d’un monde meilleur où il fera bon vivre.
La vie est précieuse mais vivre bien est beaucoup plus précieux. Nous devons ainsi travailler à nous acheminer vers un monde de partage et du vivre-ensemble. Ensemble, nous le pourrons par la mobilisation et l’éducation, avec la bonne foi et l’amour du prochain.