Le 11 Mars 2024, l’organisation de la région caribéenne dénommée CARICOM (communauté de la Caraïbe) a publié sur X et sur son site internet un document en anglais intitulé : “Déclaration Finale de la CARICOM, des partenaires internationaux et des parties prenantes haïtiennes”.
“Aujourd’hui, [11 mars 2024], la CARICOM a réuni les parties prenantes haïtiennes et les partenaires de développement internationaux suivants : Brésil, Canada, France, Mexique, Nations Unies et États-Unis d’Amérique pour discuter de la crise multidimensionnelle en Haïti.”
Un document qui souhaite sceller positivement l’avenir du peuple haïtien. Le même jour, le président de CARICOM également Président de la Guyane Mohammed Irfaan ALLI a informé l’intention de Ariel Henry de démissionner à l’installation d’un Conseil présidentiel et l’a même remercié au nom du peuple haïtien.
Sans émettre de commentaires sur les formes diplomatiques de cette déclaration, nous allons rapidement faire une analyse juridique élémentaire portant sur l’identité, la qualité, la capacité représentative des membres et des entités formant le Conseil Présidentiel.
Haïti, autant que ces pays présents à cette rencontre de facilitation vers une solution “Haïtienne” est un État de droit. Le concept d’État de droit désigne un État dans lequel la puissance publique est soumise aux règles de droit. La loi sera donc la boussole.
Nous laisserons de côté, pour le moment, l’opposabilité de ce document au peuple haïtien afin de poursuivre notre réflexion. Admettons pour définitif le fait que ce document prouvant la bonne foi de la CARICOM et les pays amis d’Haïti est adopté, il serait indiqué que soit publié le procès-verbal signé par les personnalités présentes à cette réunion et comportant les résolutions prises ce jour-là.
Concédons que cette déclaration est adoptée selon les normes, Voyons pour l’instant les entités.
Dans un contrat, l’étudiant débutant en droit sait qu’il doit vérifier en tout premier lieu, la qualité des personnes qui ont comparu dans l’acte comportant leur identité et leur capacité. Quid du Conseil Présidentiel de Transition constitué officiellement de:
1. Edgard Leblanc : représentant du Collectif 30 Janvier. Lequel collectif est formé de GREH, LAPEH, MOPOD, OPL, PITIT DESALIN, PHTK, UNIR ce qui est confirmé dans une note en date du 18 janvier 2024 dudit Collectif.
2. Dr Gérald Gilles : représentant de l’Accord du 21 décembre 2022.
3. Smith Augustin : représentant de EDE/RED et Compromis Historique. Ce dernier faisant aussi partie des signataires de l’Accord du 21 décembre qui a donné naissance au Haut Conseil de Transition (HCT). Lequel accord est publié dans le journal officiel “Le Moniteur” # spécial 1 du 3 janvier 2023 ;
4. Fritz Alphonse Jean : représentant de l’Accord de Montana dénommé aussi Accord du 30 Août 2021. Ledit accord est formé de 52 représentants d’entités politiques et de différents secteurs de la Vie Nationale. Parmi les partis politiques dont les noms sont portés dans le document final publié de l’Accord de Montana, on retrouve aussi Fanmi Lavalas, Pitit Desalin, UNIR, PHTK et alliés ; et pour le secteur des affaires, la Chambre de Commerce et d’Industrie d’Haïti (CCIH)/Chambre des Métiers de l’Artisanat;
5. Leslie Voltaire : le représentant de Fanmi Lavalas ;
6. Laurent Saint Cyr, membre du HCT, représentant du secteur des Affaires, également signataire de l’accord du 21 décembre ;
7. Me Emmanuel Vertilaire, représentant de Pitit Desalin ;
8. Frinel Joseph pour la société civile ;
9. Régine Abraham, pour le REN/institution interconfessionnelle.
Nous avons donc établi ici les personnalités ès-qualités dont les noms des organismes sont représentés dans la déclaration de la CARICOM.
Identité : nous acceptons pour prémices que les 9 membres de l’entité dénommée « Conseil Présidentiel de la transition » disposent de leur carte d’identité nationale (CIN-Dermalog) et aussi leur matricule fiscal à jour; ces deux documents étant obligatoires dans l’Administration publique pour tout citoyen haïtien.
Qualité et représentativité : C’est là que la situation devient un peu compliquée et pose problème à l’analyse. Nous constatons que :
⁃ Pitit Desalin, Fanmi Lavalas, Unir et PHTK sont aussi membres de l’Accord de Montana. S’ils ne sont plus officiellement membres de cette structure, existe-t-il une lettre de retrait formel de l’Accord du 30 Août. (Document à produire).
⁃ Compromis Historique est aussi membre signataire de l’Accord du 21 décembre 2022. Existe-t-il aussi une lettre de retrait d’autant que cet accord est publié dans le Moniteur (document à produire).
⁃ Fanmi Lavalas et le secteur des affaires/CCIH sont aussi dans les documents de l’Accord de Montana. Comment devrait-on traiter l’UNION de Fanmi Lavalas, Accord de Montana et le secteur des affaires/patronales dans le document du 9 Mars 2024 intitulé “Consensus politique sur une transition ordonnée pour rétablir la sécurité, freiner l’effondrement et créer les conditions de réalisation d’élections acceptables” ? (Décision à prendre).
⁃ Le secteur des affaires/secteur économique est représenté dans l’accord du 21 décembre publié dans « Le Moniteur » par AMCHAM, ADIH, CCIO et CCIHC. Laurent Saint-Cyr, membre du Haut Conseil de Transition issu de l’accord du 21 décembre a t’il été rappelé par le secteur économique ? (Document à produire).
⁃ Frinel Joseph est le représentant de la société civile. Quelle entité représente-t-il exactement, la société civile étant un concept très large.
⁃ REN/Interconfessionnel : s’agit-il du secteur religieux? Les églises catholique et protestante ayant informé la presse n’avoir aucun représentant au sein du Conseil présidentiel.
Il faudra au moins des lettres ou des avis de retrait formel public pour clarifier à quelle entité chacun appartient réellement.
De plus, toutes les entités regroupées à l’intérieur d’un collectif doivent soumettre le procès-verbal de la réunion nommant celui qui doit les représenter dans le Conseil présidentiel. C’est à dire qu’il faut pour :
1. Edgard Leblanc : 7 procès-verbaux de la réunion du Conseil de direction des 7 partis politiques à l’intérieur du Collectif 30 janvier ;
2. Dr. Gérald Gilles : 1 procès-verbal du Conseil de gestion de l’Accord du 21 décembre qui a été publié dans le Moniteur (que prévoit l’accord en cas de représentation). Est-ce le HCT ou le OCAG qui le représente légalement ? A voir Le Moniteur. Qui a désigné le Dr Gérald Gilles?
3. Les 4 entités du secteur économique signataires de l’Accord du 21 décembre doivent régulariser le statut de Laurent Saint Cyr. Le secteur des affaires doit solliciter l’appui de leur cabinet d’avocat pour formaliser le mandat qu’il compte donner à leur représentant dans le Conseil Présidentiel ou le rectifier étant donné que la CCIH a publié une note disant n’avoir pas été approchée dans le cadre des échanges vers une solution de sortie de crise.
4. Leslie Voltaire doit avoir aussi un procès-verbal du Conseil de direction de Fanmi Lavalas, ainsi que Me Emmanuel Vertilaire pour Pitit Desalin, Régine Abraham pour le REN.
A l’exception des partis politiques suscités, connus pour avoir déjà participé aux élections dans le pays, quel est le statut juridique de EDE, RED et Compromis historique? (Document à fournir, certificat du ministère des affaires sociales ou document du Ministère de la Justice relatif au parti politique).
L’Accord de Montana ou Accord du 30 Août étant un document sous seing privé, il devrait être enregistré et reçu en dépôt chez un notaire pour avoir une valeur juridique sûre.
Nous nous arrêtons ici, mais il est important de se demander s’il existe une structure indépendante qui contrôle l’identité, la qualité et la représentativité des membres et des entités du Conseil Présidentiel.
En effet, l’identité et la qualité des acteurs qui ont l’ambition de gérer la crise et renforcer la démocratie haïtienne à travers des élections transparentes, honnêtes et équitables, doivent être bien établies juridiquement. De même que dans la vie civile, il faut soumettre les documents légaux pour signer un contrat, pour ouvrir ou fermer un compte en banque, pour recevoir une succession, …, à fortiori il est impératif que les titres et qualités des entités qui prétendent avoir droit de gouverner un pays et un peuple soient établis dans les normes pour garantir sa durabilité et la stabilité de la vie politique.
Comment ces entités kangourous pourront-elles publier le décret électoral et tous les documents légaux qu’exigera leur fonctionnement. Le format du Conseil Présidentiel l’assimile à la gouvernance d’un exécutif avec Président et Premier Ministre dont la vérification de qualité des candidats est préjudicielle.
Comme dirait l’autre devant ces dangereuses légèretés tant de certains acteurs politiques et socio-économiques, des membres du Conseil Présidentiel que de la Caricom, « SOYONS SÉRIEUX MESDAMES ET MESSIEURS ».
La rédaction
Contribution (Consultation de différents Cabinets d’avocats et juristes)