Roselande Belony. Un nom qui évoquait jusque-là: la douceur, la foi et l’engagement. À 21 ans, elle incarnait une jeunesse pieuse et éduquée, active dans les médias chrétiens, admirée pour sa rigueur morale et son calme rayonnant.
Mais en l’espace de quelques jours, cette image a été piétinée. Des vidéos intimes, attribuées à Roselande, ont été diffusées sur les réseaux sociaux. L’affaire choque, les regards s’accumulent, les jugements pleuvent. La victime, humiliée publiquement, voit sa dignité réduite en poussière par une société prompte à condamner, lente à protéger.
Une agression numérique, une société complice
Ce n’est pas seulement une vidéo qui circule, c’est une vie entière livrée à la moquerie, au mépris et à la cruauté. Cette violence porte un nom : la pornodivulgation (ou revenge porn). Dans de nombreux pays, elle est punie par la loi. En Haïti, elle prospère dans un vide juridique inquiétant. Les victimes, comme Roselande, subissent un double supplice : la trahison de l’intime, puis l’indifférence collective.
En cette période pascale, ne devrions-nous pas nous souvenir de la leçon de Jésus face à Marie Madeleine : « Que celui qui n’a jamais péché lui jette la première pierre. »
Le silence des institutions
Cette affaire remet aussi en cause le rôle du Ministère à la Condition Féminine et aux Droits de la femme. Où sont les politiques de protection des femmes et des jeunes filles ? Où sont les mécanismes de réponse ? Trop souvent, les campagnes de visibilité remplacent les vraies actions de terrain. Il est urgent de passer du discours au plaidoyer concret.
Une responsabilité collective
Jean Marie Altema, expert en technologie, l’a rappelé : « Chaque clic, chaque partage, chaque commentaire est un acte de violence. » Le Conseil Présidentiel de Transition et le gouvernement doivent se pencher sérieusement sur la question aux fins de légiférer d’urgence. Il faut une loi claire, des sanctions réelles, des recours pour les victimes — voilà ce qu’exige l’ère numérique.
Une machine à broyer des vies
Combien de jeunes filles ont vu leur avenir brisé à cause de vidéos volées ? Combien de médias à scandale, à la recherche de clics, se font juges, bourreaux et fossoyeurs d’innocence ? Combien se sont envoyés en l’air en regardant les vidéos de cette fille aujourd’hui crucifiée ?
Roselande n’est ni une célébrité ni une influenceuse controversée. C’est une étudiante brillante, croyante, issue d’un milieu modeste. Ce n’est pas elle qui a choisi l’exposition. Selon les premières informations, c’est son fiancé qui aurait diffusé les vidéos, sans son consentement. Un acte ignoble.
La question qui dérange
Aurait-il osé faire cela si Roselande était la fille d’une grande famille ? D’un politicien influent ? D’une élite protégée ? Ou a-t-il cru pouvoir agir sans conséquence, parce qu’elle est « pitit soyèt », sans nom, sans réseau, sans défense ? Voilà une société qui punit les victimes et protège les agresseurs.
Un symbole malgré elle
Roselande n’est pas seule. Elles sont nombreuses, ces jeunes filles humiliées, brisées, réduites au silence. Roselande devient aujourd’hui un symbole — malgré elle — d’une société malade de son machisme, de son voyeurisme et de son silence.
Des modèles de renaissance, ici et ailleurs
À travers le monde et même en Haïti, plusieurs femmes ont été publiquement avilies, salies, humiliées — avant de transformer leur douleur en force et leur chute en relèvement. Des modèles inspirants montrent que la reconstruction est non seulement possible, mais porteuse de sens :
• Monica Lewinsky, autrefois objet de scandale planétaire dans l’affaire du Président Bill Clinton, est devenue une conférencière reconnue sur les questions de cyberharcèlement et de dignité numérique.
• Chyna Parks, ancienne victime de revenge porn aux États-Unis, milite aujourd’hui pour le changement des lois sur la vie privée.
• Laurie Jade Woodruff, après avoir subi une violation de son intimité, a lancé une plateforme d’accompagnement pour les victimes de violences numériques.
• Vanessa Springora, en France, a brisé le silence sur son passé d’abus, ouvrant la voie à une réforme sociétale sur le consentement et les rapports de pouvoir.
• Le magazine Elle a révélé que Kanye West a montré à plusieurs reprises des photos et vidéos sexy de Kim Kardashian à des employés d’une compagnie de tennis.
• Blac Chyna, personnalité américaine, a poursuivi en justice les auteurs de la diffusion d’images intimes. Son ex-copin Rob Kardashian ne s’était pas gêné pour exposer l’intimité de la jeune femme sur les réseaux sociaux.
En Haïti, nombreuses sont celles qui ont été éclaboussées, avilies, exposées puis lapidées sur la place publique numérique. Les histoires diffèrent, mais les juges restent les mêmes.
Haïti, pays des héros oubliés, continue de crucifier ses jeunes, de les abandonner à leur douleur, de les exposer dans toute leur fragilité émotionnelle — sans filet, sans recours, sans voix.
Non au suicide : la vie comme ultime plaidoyer
Ce scandale, aussi violent soit-il, ne doit en aucun cas pousser Roselande Belony à envisager le pire. Cette malveillance numérique, ce viol de son intimité physique et émotionnelle, ne saurait réduire la valeur profonde de son être.
Au contraire, que cette épreuve révèle désormais la force tranquille de sa jeunesse, l’ardeur de sa féminité et la puissance de son droit à exister. Ce n’est pas seulement son corps qui a été exposé, c’est aussi la cruauté de notre époque.
Mais au cœur de cette blessure, peut éclore une lumière : celle d’un engagement personnel pour la dignité, la résilience et le courage. Roselande peut devenir ce flambeau vivant qui montrera le chemin à d’autres jeunes filles, celles qu’on tente de briser, mais qui choisissent de se relever et d’affirmer leur droit à la vie. Parce qu’une chute ne doit jamais être une fin — mais le point de départ d’une autre histoire.
Le Quotidien 509 s’indigne, s’engage au relèvement de la féminité haïtienne et lance cet appel : Assez d’humiliation. Assez d’impunité. Il est temps de protéger nos filles et surtout le temps d’apprendre à nos filles de se protéger contre les dangers de ce siècle.
La rédaction
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